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La darija doit-elle devenir notre langue officielle ?

La problématique des langues continue de susciter le débat. Un débat qui touche toutes les franges de la société marocaine. Tantôt les intellectuels, tantôt la société civile, tantôt les politiques. Et la question a été examinée dans tous ses angles par des experts nationaux et internationaux lors du colloque international organisé par la Fondation Zakoura pour l’éducation qui s’est tenu les 11 et 12 juin dernier à Casablanca. Plusieurs recommandations y ont été élaborées dont la principale reste la reconnaissance des langues maternelles, l’amazigh et la darija dans la Constitution (voir encadré ci-dessous). Sachant que comme l’a révélé Noureddine Ayouch, président de la Fondation Zakoura, «plus de 90% des Marocains parlent le darija parmi eux 35% parlent aussi l’amazigh». Et la question des langues revient aussi régulièrement au Parlement. La récente et spectaculaire intervention du député islamiste Noureddine Karbal dans l’hémicycle a fait le buzz sur le Net et Youtube. Ce dernier reproche au gouvernement sa négligence de la langue arabe et le non-respect de ses engagements pour le renforcement de l’utilisation de l’arabe dans ses institutions. (Voir entretien page 5 «La langue arabe existera tant que le Coran existera»). «Comment peut-on être respecté sur l’échiquier mondial si nous-mêmes on ne respecte pas la langue officielle de notre pays», dit M.Karbal. Et il ressort de ce foisonnement un débat complexe et où interfèrent la religion, l’analphabétisme, le monde de l’entreprise, la mondialisation et la question de l’identité que le Maroc est un pays plurilingue. En simple observatrice de la scène, linguistique nationale marocaine, Dominique Caubet, chercheuse à l’INALCO (voir son entretien page 6), ne peut que se féliciter de ce qu’elle considère comme étant une richesse linguistique. «Il y a les langues maternelles (la darija et l’amazigh). Il y a les langues de la maison, parfois différentes des langues maternelles, le français, l’espagnol ou l’anglais…. Il y a la langue de l’école publique qui est la langue arabe ; les écoles privées offrent des enseignements bilingues avec outre l’arabe, le français, l’espagnol ou l’anglais. Le français est aussi langue d’étude au niveau universitaire pour les matières scientifiques, etc. et langue de travail dans certains domaines techniques, aux côtés de l’anglais», énumère notre simple observatrice bien informée. Dans ce contexte déroutant et qui élargit parfois aussi le fossé entre les classes sociales et accentue les inégalités des chances (on a l’impression qu’on essaie de donner aux enfants des cartes en plus dès la très petite enfance, nous dit Caubet) tous les intervenants de la scène socio–politique et les intellectuels (avec des nuances bien sûr) s’accordent quant à la nécessité d’une mise en valeur de toutes les langues qui forment la mosaïque culturelle marocaine. Ceci avec un accent mis sur la préservation de l’identité marocaine à travers la maîtrise de la langue arabe, ce qui n’empêche pas la maîtrise des langues étrangères.


Les principales recommandations du colloque «La langue, les langues»
Les participants au colloque, dans leur très large majorité, ont préconisé en premier lieu la reconnaissance comme langues nationales les deux langues maternelles des Marocains : l’arabe utilisé couramment et l’amazigh. En second lieu, la standardisation, à terme, d’une langue arabe moderne dans laquelle se rejoindront l’arabe écrit modernisé et l’arabe parlé couramment par les Marocains, sans préjudice pour l’intercompréhension entre les locuteurs arabophones d’où qu’ils soient. Et en troisième lieu, le renforcement de l’enseignement des langues étrangères et leur diversification. Pour ce qui est des modalités de mise en œuvre, les participants ont relevé qu’il faut codifier l’arabe marocain en vue d’établir des passerelles avec l’arabe littéral pour constituer, à terme, une langue arabe combinant les deux registres. Ces derniers ont également recommandé la nécessité de se servir de l’arabe marocain, dès le préscolaire puis le primaire, comme langue d’enseignement pour l’acquisition des savoirs fondamentaux et pour les activités langagières (écoute, compréhension, lecture, écriture). Ils ont également relevé la nécessité d’associer à l’enseignement de la langue maternelle la prise en compte du patrimoine oral dès le primaire, voire dès le préscolaire. Les participants ont également recommandé de commencer, aussi rapidement que possible, cet enseignement visant la convergence entre arabe parlé et arabe écrit, dans des écoles pilotes sur l’ensemble du territoire, avant de passer à sa généralisation. S’agissant des langues étrangères, les préconisations ont porté sur le renforcement de l’enseignement de ces langues dès l’école primaire, d’améliorer la qualité de l’enseignement des langues étrangères, de recourir au e-learning en complément de l’enseignement dispensé en classe et d’élargir l’offre des langues étrangères aux langues internationales d’avenir : chinois, hindi, portugais, turc… Les participants ont également recommandé de mettre fin à l’enseignement des disciplines scientifiques en arabe dans le secondaire et en français dans le supérieur.
Autrement dit, il faut une continuité linguistique sur l’ensemble du cursus, du secondaire au supérieur. Pour cet enseignement, il conviendrait de privilégier les langues internationales de la production scientifique : le français et surtout l’anglais.

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