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La guerre du lait aura lieu

© D.R

Les produits agroalimentaires finis en provenance des Emirats Arabes Unis envahissent le marché marocain. Face à des volumes de plus en plus importants, les producteurs nationaux de sucre, de pâtes alimentaires, de biscuits, de jus de fruits et surtout de lait tirent la sonnette d’alarme. Sont directement exposés, le lait concentré et le lait en poudre fabriqués localement et dont la plupart des intrants (vitamines et autres additifs) sont soumis à des taux de droits de douane variant de 20 à 25%. Ces produits importés des Emirats, affranchis de droits de douane, mettent à rude épreuve  Nestlé Maroc, une entité qui régnait sans partage jusque-là, avec ses marques Nestlé et Nido, dans ce créneau du lait en poudre. Les temps ont changé depuis la signature de l’ALE entre le Maroc et les EAU. Cet accord tarifaire est  un avant-goût de l’accord d’Agadir, lequel étend le libre-échange conclu entre le Maroc et les EAU, à la Jordanie et à l’Egypte.
 En attendant les importateurs de produits émiratis ne se contentent pas des miettes. La preuve, Nestlé Maroc présent au Maroc depuis 1993 à travers une unité de production basée à El Jadida, vient  de perdre il y a quelques mois, le marché des FAR (Forces Armées Royales), lequel constitue entre 20 et 30% de son chiffre d’activité.
Dans cet appel d’offres perdu, «nous étions les moins disants face à un importateur de produits emballés et étiquetés certes aux Emirats Arabes Unis, mais qui sont en réalité fabriqués à 80% en Nouvelle Zélande », confie un haut cadre du groupe. «Nous ne protestons pas parce que nous avons perdu un marché par voie d’appel d’offres, précise Khalid Amrani, directeur financier du groupe, mais surtout du fait que ce produit importé ne vérifiait pas la règle des 40% ».
Avec la perte de ce marché, acquis de fait depuis des années, c’est non seulement Nestlé qui est directement touché, mais aussi tout l’amont agricole. Plus de 300 éleveurs, en convention avec Nestlé, avaient l’assurance de pouvoir écouler leur production sans risque de mévente. La société subventionne également le montage des coopératives agricoles.
Conçue initialement pour alimenter le Maghreb Arabe, l’usine Nestlé d’El Jadida est, avec une production annuelle de 6 000 tonnes, loin de sa capacité optimale (10 000 tonnes). Il s’agit du lait en poudre (5% de la production nationale) et non du lait liquide et pasteurisé, plus ou moins épargné jusque-là.
Rappelons que pour bénéficier du taux de droit nul prévu par cet accord, tout produit importé dans un sens ou l’autre du Maroc ou des Emirats Arabes Unis doit nécessairement vérifier la règle d’origine. En d’autres termes, selon les termes de l’accord, dans le processus de fabrication de la marchandise, 40% de la valeur ajoutée doivent être réalisés dans l’un des deux pays.  Or, d’après les producteurs locaux, les produits néo-zélandais qui transitent par les Emirats Arabes Unis et par les zones franches de ce pays (espaces non couverts par l’ALE),  ne respectent pas les règles du jeu. Saisie du dossier, l’administration a bloqué via la Douane, plusieurs livraisons de l’importateur des produits émiratis, confronté depuis à des retards de livraison et des frais d’emmagasinage supplémentaires. Seuls un à deux conteneurs sur un total de 150 auraient été livrés à l’Armée.
D’autres domaines de l’agroalimentaire subissent aussi les méfaits de cette concurrence. Cas des pâtes alimentaires qui ont vu le volume en provenance des Emirats Arabes Unis passer de 406 tonnes en 2004 à 1 160 tonnes entre le premier janvier et le 30 mai 2005.
En fait, avec l’accord de libre-échange signé entre les deux pays, le taux de droits de douane appliqué aux produits des deux pays est nul.  Mais encore faut-il que les marchandises obéissent à la règle d’origine. Pour être éligible à l’ALE, le produit ne doit pas provenir d’une zone franche. L’accord stipule aussi que dans le processus de fabrication de l’article, 40% de la valeur ajoutée soient produits  sur place. Or, pour les opérateurs marocains, les EAU ne produisent pas de produits laitiers. «Leur intervention se limite au conditionnement, lequel ne peut à aucun cas représenter 40% de la valeur du produit». Le lait en poudre importé en vrac est conditionné avant d’être réexporté vers d’autres pays dont le Maroc.
En tout cas, les produits laitiers émiratis sont accompagnés de certificats d’origine délivrés par les autorités émiraties, lesquels certificats attestent de la règle d’origine. La vérification de la véracité des déclarations incombe à la Douane. Pour rappel,  le ministère du Commerce extérieur avait diligenté quelques enquêtes, mais les mesures tardent. Le département des Finances et de la Privatisation s’intéresse à son tour à l’affaire qui a fait cette semaine l’objet d’une question posée à Fathallah Oualalou, lors d’une réunion de la Commission des Affaires économiques de la Chambre des représentants. Egalement concerné par le dossier, le ministère de l’Industrie et du Commerce envisagerait une visite sur place afin d’en avoir le cœur net. A suivre !

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