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La justice commence au commissariat

Le ministre de la Justice, Mohamed Bouzoubaa, ne chôme pas dans un département où la plupart de ses predecesseurs ont souvent brillé par leur inanité. Le socialiste de souche et l’avocat de métier ne se départit ni de son dynamisme débordant, ni de ses convictions de juriste qui prône une justice juste. Il sait qu’il est le premier homme politique à hériter d’un ministère longtemps considéré comme relevant d’une souveraineté acquise par la force de l’habitude et du temps. Mais il faut avouer que depuis qu’il a été nommé par S.M. le Roi, Mohammed VI, Bouzaoubaa ne recule aucunement devant la nécessité de la réforme d’une justice souvent mise à l’index. En tous les cas, l’homme ne se gêne pas à dire ce qu’il pense et son propos relatif à la suppression de la Cour spéciale de justice, dénote sa détermination à aller de l’avant dans la consolidation de la culture des droits de l’Homme.
Ce n’est que justice. Sa dernière sortie, par le biais d’une circulaire adressée aux procureurs du Roi, vient de rétablir la justice dans son véritable champ d’action qui commence dés l’entame des premières investigations de la police judiciaire. Il est vrai que la mémoire collective a tendance à assimiler la justice uniquement au tribunal, au procès et à la prison. Les néophytes en la matière ignorent, par exemple, que le procureur du Roi est un officier supérieur de la police qui possède de larges prérogatives. Le législateur lui donne un pouvoir de contrôle sur la police, comme il lui laisse la latitude juridique de la mise en détention ou de la libération des individus en garde-à-vue. Le parquet a aussi le droit ou plutôt l‘obligation de faire des visites systématiques aux commissariats de police, aux locaux de détention de la gendarmerie, voire à la prison. Mais il faut avouer qu’étant le volume de travail du parquet, ces visites de contrôle ne s’opéraient que rarement, voire jamais dans certaines régions. La dernière circulaire du ministre de la justice tend justement à rétablir ce contrôle systématique pour réactiver le rôle du parquet dans le respect de la législation et la protection des droits de l’homme.
Les attributions du procureur du Roi sont en effet très larges et très lourdes de responsabilité pour que ladite circulaire n’en rappelle pas l’essence : « le Parquet est une institution juridique qui contribue à l’édification de l’Etat de droit à travers la protection des libertés individuelles et collectives et la préservation de la société contre le crime et veille à garantir la quiétude, la sécurité et la stabilité des individus » C’est pour éviter tout dérapage dans la détention ou dans la durée de la garde-à-vue que le ministre de la Justice a tenu à préciser à travers cette circulaire, les missions et les prérogatives du parquet. Outre le contrôle périodique des commissariats de police et des locaux de la gendarmerie, les procureurs du roi sont tenus d’afficher plus de vigilance dans les cas de détention préventive. Ainsi le texte évoque l’obligation de la police d’aviser le parquet avant la mise en garde à vue de toute personne soupçonnée. Le procureur du Roi est aussi appelé à faire subir un examen médical à tout prévenu qui porte des traces de violence ou à tout détenu qui le demande. Cette précision est d’une grande importance dans la mesure qu’elle est censée prévenir toute forme de torture. Comme la visite du procureur au commissariat vise à s’assurer de la légalité de la détention en consultant le registre relatif à la garde-à-vue et en vérifiant que les familles de détenus sont prévenus.
Ces mesures préventives visent à respecter les droits et la dignité du détenu qui doit bénéficier de la présomption d’innocence. Ces visites du procureur vont aussi réduire les interventions et les pressions exercées sur la police par des hautes personnalités pour libérer l’un des leurs. Dans un Etat de droit, la loi est dessus de tout le monde si le parquet bénéficie vraiment d’une indépendance judiciaire par rapport à l’Exécutif ou autre forme du pouvoir. Ce faisant la responsabilité du procureur dans la réforme de notre justice est primordiale dans la mesure où il dispose d’un pouvoir de proximité au-dessus de toute autorité locale. C’est pour cela que la circulaire exige de la police d’informer le parquet de toutes les étapes d’investigation en cas de crimes ou autres délits. Les procès verbaux de la police devront être soumis au procureur dans les meilleurs délais, ce qui suppose un respect strict des délais légaux de la garde-à-vue. Il va de soi que cette réactivation du rôle du parquet dans le sens de la protection des libertés, de la dignité des détenus et du respect du droit de l’homme, a été accueillie avec satisfaction par toutes les composantes de la société.
Les avocats, les organisations des droits de l’homme ou la société civile qui militent pour la protection des libertés individuelles ou collectives, ont longtemps évoqué le problème de la garde vue. Aujourd’hui ils ne peuvent que se réjouir de cette avancée à condition, bien sûr, que les termes de la circulaire du ministère de la justice soient appliqués à la lettre. Mustapha Ramid, l’homme politique mais surtout l’avocat est de même avis et comme tout juriste il attend pour voir ce que ca donne sur le terrain : « Nous avons toujours dénoncé les exactions commises au cours de la garde-à-vue que ce soit dans les délais de détentions que dans certains comportements rétrogrades qui ont beaucoup nui à l’image de notre pays. Ceci étant si ces mesures sont appliquées à la lettre par le parquet, il est certain qu’elles vont restreindre les dérapages de certains et préserver la dignité du prévenu à l’interieur du commissariat.» Encore faut-il donner aux procureurs du roi les moyens d’accomplir leurs lourdes missions. Il est plus impératif aujourd’hui d’améliorer la situation sociale des procureurs en régularisant leurs salaires pour éviter toutes les tentations.
Tout comme il est nécessaire d’améliorer les conditions de travail de la police judiciaire en lui donnant les moyens financiers, matériels et humains pour qu’ils puissent accomplir leur dure tâche.
L’indépendance de la justice et la consolidation d’une police citoyenne ne sauront se faire sans que le personnel de ces deux départements ne soit rémunéré en conséquence.

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