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Lahjouji courtise le PJD

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Le PJD est un parti ultra-libéral. Il défend l’ouverture économique et déplore la main-mise de l’Etat sur certaines entreprises. «Ce qui a porté préjudice à leur compétitivité», a déclaré le secrétaire général de ce parti, Saâd Eddine Othmani. Cela s’est produit lors d’une conférence, organisée samedi conjointement par le PJD et le parti des Forces citoyennes, sous le thème «Ouverture économique : accord de libre-échange avec les Etats-Unis».
Cette conférence pouvait avoir des allures de mariage des contraires. Car qu’est-ce qui peut bien lier le PJD, un parti qui tire sa popularité de la religion, aux Forces citoyennes qui défendent le libéralisme et dont les électeurs naturels sont en grande partie francophones et proches des milieux d’économie ? «Je ne vois pas ce qu’il peut y avoir de curieux dans le fait que le PJD et les Forces citoyennes organisent une conférence», répond Saâd Eddine Othmani. Et même quand on insiste un peu, en détaillant les idéologies distinctes des deux formations, le secrétaire général du PJD n’en démord pas : «Nous ne sommes pas d’accord avec eux sur tout, mais il existe de nombreux points communs entre les deux partis».
La réponse du président du parti des Forces citoyennes est également surprenante : «Oui, nous avons des affinités avec le PJD dans certains domaines», affirme Abderrahim Lahjouji. Lesquels? «L’éthique par exemple !» Les deux chefs de partis ont parlé d’une même voix. Ils ont été ensuite relayés par les experts et cadres de leurs formations respectives.
Ces derniers sont intervenus sur le thème de la journée avec des éclairages intéressants. Et chose inaccoutumée : les cadres du PJD se sont exprimés en français. Certains d’entre eux ont même fait montre de leur capacité à passer, avec aisance, d’une langue à l’autre. Ils ont dû toutefois avoir quelques regrets sur la durée des interventions.
A ce sujet, le programme de la journée a été comprimé. Au préalable, il devait s’étendre du matin jusqu’au soir «mais certains invités des Forces citoyennes n’ont pas voulu sacrifier leur samedi après-midi», explique un député du PJD. Cette pression du temps s’est traduite par des interventions non-stop – hormis une petite pause – du matin jusqu’à 14 heures. Un député PJD a chatouillé un autre en lui rappelant que la pause de la prière du dohr ne figurait pas au programme de la journée d’étude.
«Nous sommes en voyage», a répondu le pijidiste interpellé. Et ce n’est que la moindre des concessions surprenantes relatives à l’absence de la religion dans les débats de cette journée. Dans le communiqué final, signé conjointement par Saâd Eddine Othmani et Abderrahim Lahjouji, aucune référence n’est faite à l’identité fondatrice du PJD. Le mot “islam“ n’est pas cité une seule fois. Les deux partis affirment que «l’ouverture économique est une composante du processus historique et social au Maroc, pays qui se trouve à la croisée de trois continents». Ils déplorent le manque d’études préliminaires sur l’impact de cet accord sur l’économie marocaine, regrettent le manque de vision qui l’a accompagné, mais encouragent «l’initiative privée, la créativité et le renforcement du tissu économique national». Ils encouragent aussi toute initiative visant à «l’intégration progressive dans l’économie mondiale». A l’issue de cette journée, il était clair que le PJD soignait son image de marque. Il emboîte le pas à l’autre PJD de la Turquie, en montrant à tous qu’il est un parti ouvert, capable de prendre part aux grands dossiers économiques et politiques du pays. Il a des hommes pour parler de sujets pointus. Ces hommes fascinent ! Saâd Eddine Al Othmani s’est laissé courtiser tout au long de cette journée. La fascination qu’il exerçait sur les chefs d’entreprises, sur d’éminents membres de la CGEM était manifeste.
Certains se sont bousculés pour se photographier avec lui. Saâd Eddine Al Othmani, superstar ? Nul doute. Son parti fascine aujourd’hui. Mais le PJD est aussi le parti de l’opposition. Même s’il a cessé de monter au créneau avec la même visibilité qu’avant les attentats du 16 mai, il demeure pour de nombreux observateurs le parti qui remédie au déficit de débats politiques dans le pays. Cette formation compte 42 députés à la chambre des représentants, alors que le parti des Forces citoyennes n’en possède pas un seul.
Il reste à savoir si le PJD est conscient qu’en multipliant les opérations de charme, il s’éloigne de ceux-là même qui l’ont porté à la Chambre des représentants. Il ne faut pas s’étonner de voir une scission dans ce parti. Les radicaux n’apprécieraient peut-être pas que l’on ne fasse plus référence à l’islam dans leur parti.

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