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L’autocar de la mort

Jour J : 00h00. A l’agence Supratours-Rabat, les voyageurs se sont installés dans l’autocar, stationné devant le Mac Donalds de Rabat-Ville. Ils sont tous plutôt heureux de voyager, d’avoir obtenu un visa…
Pour la France. Certains y travaillent, d’autres vont rejoindre la famille, d’autres encore vont s’y faire soigner… En tout cas prendre l’autocar reste lié à une question de sous, le bus étant un peu moins cher que les autres moyens de transport. Pour d’autres passagers, le choix est fait en fonction des bagages : le poids autorisé est plus important et le prix plus abordable. Il est aussi plus simple de « négocier », une fois à la douane. On transporte de tout : de la nourriture, des meubles, des ustensiles, des bibelots…
Enfin certains voyageurs sont juste curieux d’essayer de nouveaux transports, friands d’aventure qu’ils sont. Ce 20 mars 1995, ils ont mal choisis leur période téméraire. Bref, c’est l’heure de partir. Et heureusement l’autocar n’est plein qu’à moitié.. Les passagers n’utilisent d’ailleurs que l’avant du bus, le fond étant de toutes les manières, « squatté » par les baignoires… S’étant attendu au pire à ce niveau-là, nos baroudeurs intrépides sont plutôt satisfaits de voir que le bus reste tout de même aéré.
Sous les yeux avertis des passagers immigrés, habitués à prendre l’autocar, le trajet plutôt mouvementé qui s’en suit avec les magouilles de toutes sortes, semble des plus normaux : changement de car à Sidi Kacem, avec certains passagers qui se retrouvent sur les caisses de légumes du marché, l’anarchie totale de la frontière maroco-espagnole, par opposition à la discipline régnante et compétente à la frontière franco-espagnole (un chien, un douanier) où se font arrêter des dealers de cannabis… Passé cette frontière, sur l’autoroute A1, menant à Paris et pas loin de Bordeaux, même nos immigrés habitués au pire ne s’attendent pas à cela…En quelques secondes tout bascule. Un bruit de tôle fracassée. Un crissement de pneus sur l’asphalte pourtant impeccable, puis les lois basiques de l’équilibre sont chamboulées, les objets volants ici et là, les cris des voyageurs encore endormis fusant avec effroi. Quelques secondes qui paraissent pourtant une éternité, avant que tout ne s’arrête, quand l’autocar finalement immobilisé, s’encastre dans le décor une dizaine de mètres en bas de l’autoroute.
Un silence de mort, bientôt brisé par les gémissements des survivants. En quelques instants, la vie de tous les voyageurs avait été marquée à jamais. Ceux qui en réchappèrent n’oublieront jamais ces instants furtifs où ils ont valsé au bras de la mort. Ceux qui périrent laisseront à jamais une sensation de frustration à leurs proches. La frustration d’avoir succombé à la bêtise humaine, en terre étrangère.
Bilan : 5 morts, 15 blessés. Face aux gens qui viennent se plaindre à la direction de l’époque de Supratours à Rabat, on répondra : « Vous n’aviez qu’à ne pas envoyer vos proches en autocar, moi en tout cas j’envoie mes enfants par avion et je suis tranquille. Par autocar, ce n’est jamais très sûr, vous savez.». C’était juste le témoignage vécu d’un trajet Rabat-Paris, en autocar ou le véritable parcours des « combattants » qui sont dans l’obligation de prendre des autocars souvent dans un état plutôt douteux (pneus lisses, carrosserie à revoir…)… Arrivera-arrivera pas ?

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