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Le dirham dans la tempête financière

© D.R

Les récents mouvements du couple euro/dollar sur le marché des changes donnent des sueurs froides aux patrons européens. La course folle de la monnaie européenne fragilise davantage la compétitivité du vieux continent. La situation est devenue tellement pesante que le président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet est sorti de sa réserve. «Les récents mouvements ne sont pas les bienvenus», a déclaré M. Trichet à l’ouverture d’une conférence, lundi 29 novembre à Vienne, de la Banque centrale autrichienne sur les pays du Sud-Est de l’Europe. La flambée de l’euro face au dollar accroît la pression sur la BCE, appelée à freiner l’envol de la monnaie unique sur le marché des changes tandis que refait surface le scénario d’une baisse des taux pour soutenir la fragile reprise dans la zone euro.
Jusqu’ici, l’onde de choc n’a pas encore atteint le Maroc. Aux dires des analystes, cette situation est même profitable à l’économie nationale, tournée en matière d’exportations, à 80%, vers l’Europe . Toutefois, dans le détail, la situation est plus contrastée.
Cette situation est assurément bénéfique aux flux financiers alors qu’elle est néfaste pour les secteurs productifs. Les pays asiatiques sont les premiers bénéficiaires de la dégringolade du billet vert. Leur compétitivité est raffermie.
Le textile est à la première loge. Robert Assaraf (cf. chronique) craint, à terme, une non-consommation des quotas alloués par l’Union Europeenne. «Pire, même sur son marché domestique les producteurs marocains risquent de se retrouver avec des produits chinois plus compétitifs», pronostic que M. Assaraf. Même les exportateurs d’agrumes et de primeurs se disent préoccupés par cette situation. Dans les faits, elle est plutôt bénéfique à leurs ventes mais lourde de conséquences pour l’acquisition du matériel, payé en euros. Ces fluctuations monétaires remettent à jour le débat autour de la politique monétaire nationale.
Certains vont jusqu’à parler d’une indispensable dévaluation ! Un des moyens de résorber, en effet, le déficit des échanges extérieurs d’un pays émergent est de dévaluer sa monnaie à travers une relance du secteur exportateur.
«La situation économique marocaine -pour l’heure- est loin d’être préoccupante, ce qui rend selon nous la dévaluation inopportune», expliquent les analystes de la BMCE markets, relevant de la banque d’affaire BMCE Capital.
Dans une récente note de recherche, les analystes estiment que, certes, le géant chinois risque bientôt de concurrencer le Maroc sur un de ses marchés les plus porteurs, celui du textile et de l’habillement (25% des exportations totales), et les déficits se creusent. «Mais une dévaluation avec les risques qu’elle comporte n’est pas -à notre avis- pour autant justifiée», tiennent-ils à préciser.
En effet, si en théorie les vertus d’une dévaluation ne manquent pas, ses effets pervers sont nombreux (renchérissement des importations, inflation importée, majoration du coût de la dette extérieure en monnaie nationale et donc creusement des déficits budgétaires) et «l’histoire des crises de change est là pour le nous rappeler !!!» est-il mentionné. La BMCE markets cite, à cet égard, l’exemple de l’Egypte. La dévaluation de 1991 -dans un contexte de surévaluation de la monnaie en raison des afflux de devises (recettes pétrolières, transferts…) qu’a connue les pays dans les années 70-80- a momentanément favorisé une relative diversification des exportations (vers les produits manufacturés) et une légère hausse de la part des produits égyptiens sur le marché européen.
Ultérieurement, la hausse des prix, alors que le taux de change nominal restait relativement stable, a réduit cet avantage de prix. L’inflation résultant d’une dévaluation peut alors entraîner des réactions de la part des agents économiques qui voient leur pouvoir d’achat menacé (soulèvement populaire en Argentine).
Les revendications conduisent à des probables augmentation de salaires qui accroissent les coûts salariaux des entreprises et donc les coûts de production, ce qui alimente davantage l’inflation dont le corollaire en théorie n’est autre que l’augmentation du chômage. La réussite d’une dévaluation tient aussi à des mesures d’accompagnement (politique budgétaire, et-ou monétaire).
En effet, sans une politique d’accompagnement, la dévaluation ne peut être qu’une petite mesure à des variations conjoncturelles sans vraiment résoudre les problèmes structurels de l’économie marocaine. En principe, une hausse des taux d’intérêt est nécessaire dans le cas d’une dévaluation, d’un côté pour maîtriser l’inflation et de l’autre pour attirer les capitaux étrangers. Mais du fait que le Maroc ne dispose pas d’une fluidité de circulation des capitaux, la situation est tout autre.
En conclusion, la possible dévaluation du dirham ne ferait qu’aggraver les déséquilibres fondamentaux. «On risque donc d’augmenter le sous-emploi et le déficit actuel, et d’ajouter à la situation actuelle l’inflation jusque là plus ou moins maîtrisée», concluent les analystes.

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