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Le plaidoyer de Badinter

«J’ai l’honneur au nom du Gouvernement de la République, de demander à l’Assemblée nationale l’abolition de la peine de mort en France » déclare alors le garde des sceaux en prélude au long discours qu’il effectuera devant les députés. Une plaidoirie qu’il fonde sur l’histoire même du pays, cette « longue marche » qui a débuté en 1791. Pour le garde des sceaux, ce débat s’inscrit aussi dans une logique de valeurs humaines, de « grandeur » et de « générosité » de la France, « la première en Europe à abolir la torture » et l’esclavage.
Et pourtant en 1981, la France est en retard malgré l’intervention de Hugo, Camus, ou Gambetta, Clemenceau et « le grand Jaurès» qui ont tous soutenu cette abolition. Née avec l’Etat républicain en 1791, le projet d’abolition de la peine de mort est rejetée par la première « Constituante » (future Assemblée), qui supprime toutefois la torture. En 1848, la Seconde République abolit par décret la peine de mort en matière politique. Sous la présidence Fallières (1906-1913), la grâce devient quasi-systématique puis, sous le gouvernement Clémenceau en 1908, le débat réapparaît au sein de l’Assemblée avec le garde des sceaux Aristide Briand. La question de l’abolition traverse ainsi les gouvernements et les décennies sans jamais aboutir. Robert Badinter y voit une raison politique : « l’abolition regroupe, depuis deux siècles, des femmes et des hommes de toutes les classes politiques et, bien au-delà, de toutes les couches de la nation » mais elle émane selon lui de la gauche. Jean Jaurès n’a-t-il pas plaidé : « la peine de mort est contraire à ce que l’humanité depuis deux mille ans a pensé de plus haut et rêve de plus noble. Elle est contraire à la fois à l’esprit du christianisme et à l’esprit de la Révolution » ?
En 1981, selon Robert Badinter, il est temps. D’autant plus que François Mitterrand, élu en mai 1981 s’était exprimé clairement « contre la peine de mort ». Les Français ont donc voté « en connaissance de cause ». Par ailleurs, selon le ministre, « la vraie signification politique de la peine de mort, c’est bien qu’elle procède de l’idée que l’Etat a le droit de disposer du citoyen jusqu’à lui retirer la vie. Une idéologie de « systèmes totalitaires » et une « tentation de l’élimination ».
Robert Badinter en vient ainsi à l’idée même de justice. « Ceux qui veulent une justice qui tue, ceux-là sont animés par une double conviction : qu’il existe des hommes totalement coupables, c’est-à-dire des hommes totalement responsables de leurs actes, et qu’il peut y avoir une justice sûre de son infaillibilité au point de dire que celui-là peut vivre et que celui-là doit mourir »…
Le 18 septembre, le projet de loi a été approuvé par 363 voix contre 117. Le 30 septembre, le Sénat emboîte le pas. Le 10 octobre, la loi n°81-908 portant « abolition de la peine de mort» est promulguée.

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