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Les arabes : Combien de divisions?

Un incident qui en dit long sur l’état de la Oumma arabe dont les dirigeants se sont retrouvés, samedi 1er mars, à Charm El Cheikh à l’occasion du 15 ème Sommet ordinaire de la Ligue arabe. Lors des discussions en ouverture du conclave, une prise de bec pour le moins brutale entre le Président libyen et le Prince héritier Abdallah d’Arabie Saoudite a jeté le trouble dans l’assistance.
Dans son discours, Mouamar Kaddafi a déclaré que le régime wahabite a signé un “pacte avec le diable“ en demandant en 1991 (lors de la première guerre du Golfe) la protection américaine contre l’Irak. Réaction immédiate du prince qui a qualifié en substance le guide libyen “d’agent des colonisateurs“. Devant ces amabilités, certains chefs d’État étaient gênés, d’autres riaient sous cape. Suite à cette dispute verbale, la retransmission en direct des travaux du Sommet furent interrompus. Les débats se sont poursuivis ensuite à huis clos.
Le conclave des pays arabes a montré de nouveau l’incapacité chronique de leurs dirigeants à parler d’une seule voix. Faute de pouvoir peser sur le cours des événements et de faire éviter la menace d’une guerre en Irak, ils ont fait l’étalage de leurs divergences sur fond d’intérêts contradictoires. Le 15ème Sommet ordinaire de la ligue arabe a donc consacré un état de fait connu de tous. Comme d’habitude, les participants ont adopté un communiqué final où ils ont “appelé à la nécessité de régler la crise irakienne par des moyens pacifiques et de donner plus de moyens aux inspecteurs de l’ONU en Irak“. Position qui s’aligne sur celle de la France engagée ouvertement, par la voix de son Président Jacques Chirac, contre la guerre de Bush. En fait, la solidarité arabe exigeait plus qu’un alignement systématique sur une position fut-elle courageuse en considérant que “toute attaque contre un pays arabe sera considérée comme une agression contre l’ensemble du monde arabe“. Non, les membres de la ligue arabe n’ont pas osé aller jusque-là au risque d’irriter Washington. D’où leur position à minima qui renseigne plus sur la résignation, qui est la leur face à une deuxième guerre du Golfe imminente.
Unanimisme contre un conflit en Irak sans dire pour autant les moyens à même de le contrecarrer. Quand on sait que certains pays de la région, le Koweït et le Qatar, ont permis aux soldats américains de se déployer sur le sol…En fait, les États arabes concernés directement par la guerre ne se soucient du sort de l’Irak et de son peuple que dans la mesure où ils craignent pour leur propre avenir : voir leurs régimes balayés par une grosse tempête du désert… Sans oublier la colère qui monte de la rue arabe à chaque fois que la Oumma est humiliée. Une dérive contestataire qui pourrait déstabiliser les régimes impopulaires accablés par les gouvernés de tous les maux. Pour éviter cela, ils se rangent, impuissants, du côté de la toute-puissance américaine… Chacun a ses calculs. C’est pour cela que les Arabes sont condamnés à chaque fois de montrer leur incapacité à surmonter leurs divisions. Celles-ci sont apparues au grand jour notamment à propos de la proposition des Émirats-Arabes unis. Une initiative qui invite Saddam Husseïn à quitter le pouvoir et son pays. Et ce dans un délai de deux semaines à partir de l’acceptation de cette proposition. Celle-ci est assortie de garanties légales d’immunité aux responsables irakiens s’ils acceptaient de quitter leurs fonctions.
La ligue arabe et l’ONU pourraient ensuite gouverner le pays jusqu’au retour à la normale conformément à la volonté du peuple irakien. Or, cette proposition, comme prévu, n’a pas emporté l’adhésion de la majorité des 22 membres de la ligue arabe qui s’interdisent toute ingérence dans les affaires intérieures d’un pays arabe. Bien au contraire… En vérité, la solution prônée par les Émirats-arabes unis, si l’aventure était cautionnée, créerait un précédent dangereux pour tous les chefs d’État arabes dont la tête ne revient pas à Washington.
En définitive, les dirigeants arabes ont perdu l’occasion d’uniformiser leur position à l’égard du dossier irakien. Trois camps se sont distingués lors des débats : des pays à l’instar du Koweït qui considèrent que la guerre est inéluctable. D’autres, comme l’Égypte et l’Arabie Saoudite qui pensent qu’un conflit armé en Irak peut être évité pour peu que Bagdad coopère pleinement avec les inspecteurs en désarmement. Emmené par la Syrie, le troisième groupe, légaliste, condamne, lui, toute guerre qui n’aurait pas le soutien des Nations Unies. La Oumma qui traverse une passe très difficile de son histoire jalonnée d’humiliations et d’affronts sait qu’elle ne peut rien ni pour l’Irak ni pour son peuple. Lors du Sommet de Charm El Cheikh, les chefs d’État arabes concernés ont agi comme si la guerre avait déjà commencé. La résignation des vaincus…

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