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Saïd Elakhal : «L’assassinat de Ben Laden va inciter les dirigeants d’Al Qaïda à se venger»

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ALM : Comment voyez-vous l’avenir de l’organisation terroriste d’Al Qaïda après la mort de Ben Laden ?
Saïd Elakhal : Je pense que la mort d’Oussama Ben Laden n’aura pas un impact décisif sur Al Qaïda. Il faut dire que, depuis longtemps, Ben Laden ne prenait plus les décisions d’Al Qaïda comme il ne traçait plus le parcours de cette organisation terroriste. Cette situation est due à deux éléments principaux. Tout d’abord, Al Qaïda a pris de l’ampleur en devenant une organisation mondiale. Ensuite, Al Qaïda est constituée désormais de filiales régionales et locales et des cellules. Ces dernières sont liées du point de vue organisationnel ou idéologique à cette organisation terroriste.
Pour les filiales régionales liées à Al Qaïda du point de vue organisationnel, ces dernières ont désormais leurs dirigeants locaux. Ce sont ces dirigeants qui prennent, en toute indépendance et souveraineté, les décisions pour ce qui est de la perpétration d’un attentat déterminé dans un Etat déterminé. Ce n’est plus Al Qaïda qui prend ces décisions mais les filiales aux niveaux régional et local.

Donc, vous dites que la mort de Ben Laden n’est pas en mesure d’atténuer le danger terroriste?
L’absence de Ben Laden n’est pas décisive pour les projets terroristes des filiales régionales et locales d’Al Qaïda. Ces filiales sont devenues quasi-indépendantes à l’égard de l’organisation terroriste. Ce qui lie les filiales à Al Qaïda c’est uniquement l’allégeance, en plus du soutien financier et logistique plus ou moins important. On peut citer comme exemple le cas d’Al Qaïda en Libye. On a bien vu que lorsque la filiale de cette organisation en Libye a fait des révisions de ses idées et s’est rétractée sur un certain nombre de choses, il n’y a pas eu intervention d’Oussama Ben Laden.

Pensez-vous que ces filiales régionales vont mener des opérations de représailles ?
Ben Laden avait une certaine symbolique et une certaine sacralité au sein de l’organisation terroriste d’Al Qaïda. Son assassinat va inciter incontestablement les dirigeants d’Al Qaïda à prendre leur revanche. Ils tiendront à perpétrer des attentats terroristes contre les Etats-Unis et contre les intérêts de ces derniers dans le monde ou contre des pays occidentaux. Ils essaieront d’atteindre des cibles bien déterminées comme ils peuvent exécuter des otages pour se venger. Ces représailles auraient lieu dans les plus brefs délais pour montrer au monde que l’organisation Al Qaïda est structurée et qu’elle se venge pour ses leaders. Par contre, si Al Qaïda ne réagit pas à l’assassinat de sa tête pensante, elle va donner en quelque sorte l’impression que Ben Laden ne représentait aucune symbolique pour elle. Le danger est réel car c’est la crédibilité d’Al Qaïda qui est aujourd’hui en question.

Quel sera l’impact de la mort de Ben Laden sur l’Aqmi?
L’Aqmi n’est pas différente des autres filiales d’Al Qaïda. Elle tentera elle-aussi de se venger de la mort de son chef symbolique. Rappelez-vous que l’ex-GSPC algérien avait fait acte d’allégeance à Ben Laden pour devenir par la suite Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). L’Aqmi tentera de perpétrer des actes terroristes contre les intérêts américains ou européens au Maroc, en Algérie ou en Mauritanie, par exemple, comme elle peut viser des Etats européens à travers des cellules qui auraient réussi à s’infiltrer dans ces pays occidentaux.

A votre avis, quel sera le successeur de Ben Laden à la tête d’Al Qaïda ?
Je pense que c’est Ayman Al-Zawahiri qui est le mieux placé et le mieux qualifié pour prendre la place d’Oussama Ben Laden. Il a toujours joué un rôle de premier plan au sein de l’organisation terroriste comme il a une certaine symbolique parmi les terroristes d’Al Qaïda.

Quel analyse faites-vous de la durée de la traque américaine et la manière avec laquelle Ben Laden a été neutralisé ?
L’élément qui justifie le fait que les Américains ont mis énormément de temps pour mettre la main sur Ben Laden, c’est la région dans laquelle se cachait ce dernier. L’Afghanistan et le Pakistan c’est presque un continent difficile à contrôler. A cela s’ajoute le problème des obstacles géographiques. Aussi, Ben Laden vivait parmi des tribus pakistanaises qui sont ses alliées. Tous ces éléments ont rendu difficile toute tentative de localisation de Ben Laden et encore moins sa neutralisation. La seule solution était donc de faire  une opération de commando en passant par une collecte massive des données par les services de renseignements.

 
Al Qaïda, une nébuleuse vouée au combat contre les Etats-Unis et leurs alliés
Le réseau Al Qaïda dont le chef Oussama Ben Laden a été tué dimanche au Pakistan lors d’une opération commando américaine, a planifié ou inspiré des dizaines d’attaques dans le monde depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, qui avaient fait près de 3.000 morts. Nébuleuse dont les ramifications atteignent tous les continents, Al Qaïda («la base») a voué toute son énergie au Jihad contre les Etats-Unis et leurs alliés. L’organisation a multiplié les attaques à travers le monde, directement ou, plus souvent, en inspirant des groupes islamistes qui sont passés à l’action en son nom, tels que Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et Al Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa). Formé d’anciens moujahidine ayant combattu les Soviétiques en Afghanistan de 1979 à 1989, le noyau dur d’Al Qaïda était dirigé par Ben Laden. Il était devenu pour ses partisans l’inspirateur plutôt que l’organisateur des attentats. Son bras droit, l’Egyptien Ayman al-Zawahiri, en fuite, est considéré comme le numéro 2 et le cerveau du réseau. Les débuts de la formation du réseau sont généralement situés vers 1988, un an avant le retrait soviétique d’Afghanistan. Mais il faut attendre quatre ans pour que les services de renseignements occidentaux commencent à faire le rapprochement entre l’organisation et des attaques contre les forces américaines en Arabie Saoudite, au Yémen et en Somalie. La guerre du Golfe (1991) marque un tournant pour Ben Laden dans sa vindicte contre les Etats-Unis, en raison du déploiement massif de soldats américains dans la péninsule arabique, terre natale du Prophète Sidna Mohammed. En mai 1998, lors d’une conférence de presse dont des extraits ont été diffusés en août 2002, Oussama Ben Laden déclare avoir formé un front «pour mener le Jihad contre les croisés et les juifs» et tuer les Américains. Ben Laden s’était réfugié dès 1996 en Afghanistan, base arrière d’Al Qaïda. Le terroriste, devenu «hôte d’honneur» des talibans, y avait installé ses camps d’entraînement par lesquels passaient tous les candidats au Jihad. Dans la longue liste des attentats attribués à Al Qaïda ou que le réseau a revendiqués, figurent notamment deux attentats contre des ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie (224 morts en 1998), celui de Bali (202 morts en 2002), les attentats de mars 2004 à Madrid (191 morts et près de 2.000 blessés) et ceux de Londres en juillet 2005 (56 morts et 700 blessés).

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