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Un demi-siècle de dysfonctionnement

Au moment de sa création, la Coopérative agricole de rizerie (SCARI) à Sidi Allal Tazi dans la province de Kénitra, il y a plus d’un demi-siècle (mars 1950), était censée véhiculer tout un projet de développement économique et social dans la région du Gharb. Cette coopérative, qui a pour activité principale : la réception, le stockage, la transformation et la commercialisation de la production de riz de ses adhérents, devait aider les petits agriculteurs à améliorer leurs conditions sociales et matérielles. Selon des données datant de l’année 2000, elle réalise un chiffre d’affaires de l’ordre de 75 millions de DH en moyenne et emploie 26 personnes en plus de 300 emplois saisonniers.
Cependant, la gestion de cette entité qui produit 50 pour cent du riz consommé au Maroc a toujours été entachée de graves irrégularités de gestion et des détournements de fonds qui se sont accumulés au fil des années en absence d’un véritable contrôle tant étatique que privé.
Mais, aujourd’hui, il semble que les instances publiques chargées de ce contrôle semblent être décidées à appliquer la loi et à assumer leur responsabilité qu’il s’agisse du contrôle continu ou dans la mise en application des procédures légales en cas de détection d’irrégularités. Les réformes entreprises par l’Office de Développement des Coopératives (ODCO) et l’existence d’une volonté politique ferme de l’actuel ministre de l’Artisanat et de l’Economie sociale, M’hamed Khalifa, d’assainir le secteur, ont fait en sorte que l’application de la loi soit la règle en la matière.
Ainsi, selon des sources informées, l’ODCO a décidé, en mai dernier, d’appliquer l’article 80 de la loi 24-83 dans le cas de la SCARI afin de dissoudre le conseil d’administration et de mettre en place une commission administrative provisoire qui se substituerait dans les droits et obligations dudit conseil. Il s’agit d’une première au Maroc puisque cet article n’a jamais été appliqué auparavant.  
Cette décision intervient après la reconduction en mars dernier du même conseil d’administration lors de l’assemblée générale et ce malgré les irrégularités dont ledit conseil a marqué la gestion de la coopérative durant des années.
En effet, un rapport d’audit réalisé par l’Inspection générale des finances (IGF) en 2001 avait permis de découvrir des données accablantes sur la SCARI. Le rapport a découvert des irrégularités financières et juridiques, ainsi qu’une absence totale de contrôle interne, sans oublier l’existence de plusieurs opérations douteuses réalisées par la direction de la coopérative. L’ensemble de ces dysfonctionnements enregistrés par l’audit effectué par l’IGF étant impossible à reproduire en entier, nous nous contenterons d’en citer quelques-uns.
Dans le volet de l’investissement, les inspecteurs des finances ont remarqué la non-disponibilité des pièces de dépenses probantes attestant des montants effectivement payés à chaque intervenant dans l’installation d’une station de silo. Dans le même projet, il a été remarqué que le montant initial du marché des travaux de génie civil avait été dépassé de 75%. Aussi, les inspecteurs de l’IGF ont découvert des factures vierges et signées par la société hongroise ayant fourni les équipements relatifs à l’installation de cette station. En ce qui concerne l’aspect juridique, l’on a découvert que l’Etat, qui détient 38,8 % du capital social de la coopérative n’est pas représenté au sein du conseil d’administration et ne reçoit pas sa part des excédents annuels à l’instar des adhérents.
Pour ce qui est de la comptabilité, censée être la première préoccupation de tout bon gestionnaire, les inspecteurs ont constaté une absence de pièces justificatives des valeurs comptables des immobilisations, ainsi que l’inexistence de documents justifiant la valeur probante de certains chiffres avancés par le bilan.
Le rapport a conclu en ce qui concerne le volet comptable que "ces insuffisances et irrégularités sont de nature à remettre en cause la valeur probante de la comptabilité et sa fiabilité".
S’agissant du contrôle interne, il est inexistant, affirme le rapport de l’IGF. Ainsi, en ce qui concerne les achats, il a été dévoilé l’inexistence de bons de réception devant attester de la nature et de la quantité d’articles livrés par les fournisseurs. La même constatation a été faite concernant les bons de livraison dans le cadre de la commercialisation du riz qui est la principale activité de la coopérative. Par ailleurs, l’équipe de l’IGF a pu constater que le montant des créances litigieuses inscrit au bilan était de 4.76 millions de DH, alors qu’en réalité, il avoisinait le chiffre de 15.9 millions de DH. Cet écart est dû au fait que la majorité des créanciers sont des membres du conseil d’administration qui profitent indûment de l’absence de précompte des avances, qui leur sont consenties sur la valeur de leurs récoltes annuelles livrées à la SCARI. Il s’agit d’une pratique abusive et grave qui concerne non seulement les membres du conseil d’administration, mais aussi certains de leurs proches qui en profitent. Le rapport cite à titre d’exemple, le cas d’un membre qui doit à la coopérative plus de 150.000 DH depuis plus de dix ans et qui n’a jamais daigné régulariser sa situation.
Enfin, la question qui s’impose est de savoir comment est-il possible que dans une entreprise réalisant un chiffre d’affaires déclaré de 75 millions de DH et dont
38.8% du capital appartenant à l’Etat soit gérée durant des décennies dans l’anarchie totale et dans la fraude aux dépens des petits agriculteurs, sans que les pouvoirs publics n’interviennent pour y mettre un terme.

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