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Bayrou, l’insoutenable indécision du centre

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Les redoutables humoristes des guignols de l’info avaient raison sur au moins un point : François Bayrou qu’ils avaient présenté tout au long de cette campagne comme un nigaud attardé aux oreilles violemment décollées, courant derrière  la présidence de la république avec l’obsession d’un autiste qui carapaterait derrière une illusion. Ce Bayrou-là, dont chaque apparition illustre une rafraîchissante et candide plongée dans l’enfance basique et instinctive de l’art politique, est, malgré sa défaite aux présidentielles, la pièce maîtresse qui doit décider de l’identité du futur locataire de l’Elysée.
Ceux qui connaissent le vrai François Bayrou affirment qu’une qualification au second tour, si révolutionnaire, si inédite soit-elle, aurait été moins lourde à gérer pour le leader des centristes français que cette embarrassante troisième place. Cette nouvelle équation oblige celui qui s’est donné pour mission d’inventer une autre manière de faire de la politique, qui brise le clivage gauche/droite, à casser son propre credo de «ni gauche ni droite» et à choisir un camp.
Une fois passé le choc des résultats du 22 avril, les regards des deux candidats qualifiés se sont tournés vers cet homme, invité-surprise de cette présidentielle, à qui les instituts de sondages prêtaient sinon un petit miracle du moins une grande prouesse. Du haut de ses 18,55%, François Bayrou détient une véritable puissance de feu électoral.
Les appels du pied insistants, les lourdes œillades, les offres de service, les propositions de négociation, les tentatives de lobbying ont commencé à pleuvoir sur François Bayrou, redevenu par la grâce de ce premier tour l’incontournable faiseur de président. La première à ouvrir le bal avec une enchère aux enjeux très clairs fut la socialiste Ségolène Royal : «La France a  tout à gagner à l’ouverture des idées pour sortir des blocages d’un système dépassé. C’est pourquoi je propose un dialogue public sur la base du pacte présidentiel».
L’ouverture, ce mot magique, n’est pas utilisé par hasard. Il remets en mémoire l’expérience tentée par le gouvernement socialiste entre 1988 et 1991 quand le président François Mitterrand autorisa son Premier ministre Michel Rocard à enrôler dans son exécutif jusqu’à dix ministres venus de la droite. L’expérience ne laissa pas un souvenir impérissable, mais elle démontra symboliquement la capacité des socialistes à ouvrir, quand la nécessité s’en ressent, le jeu politique vers le centre.
Le même mot magique de «l’ouverture » a été repris à son compte par Nicolas Sarkozy dans sa tentative de persuasion et de séduction de François Bayrou  : «L’ouverture dont je veux être le candidat c’est l’ouverture de l’esprit. L’ouverture d’esprit, c’est être capable de prendre en considération les raisons de l’autre  (…) et de le respecter même quand on pense qu’il a tort (…). Nul besoin d’être d’accord sur tout pour que chacun puisse travailler avec les autres pour le bien commun».
Entre les deux hommes, le courant ne passe pas. Outre leurs réelles différences d’approche ( qui a oublié qu‘en plein affaire «Clearstream » en 2006 qui a vu la famille chiraquienne se déchirer publiquement, Bayrou avait voté une motion de censure contre le gouvernement de Dominique de Villepin), il existe entre les deux hommes une vraie compétition d’ego et de tempéraments qui augure une difficile cohabitation.
Dans toute décision, tout choix politique que le parti centriste (UDF) s’apprête à endosser dans ces élections et que François Bayrou va mettre en musique pendant les fatidiques journées qui nous séparent du 6 mai, une vraie tentation est à l’œuvre. François Bayrou sait que sa fortune politique est née dans le sillage de la montée en puissance de Ségolène Royal. En face  d’elle, présidente, il peut exister en tant que force politique nouvelle et participer activement à la recomposition du paysage. Tandis qu’avec un Sarkozy, conquérant, dominateur et revanchard, à l’Elysée, la guerre entre l’UMP et l’UDF, les traditionnels frères ennemis, va reprendre de plus belle. Et François Bayrou pourra dire adieu à son rêve de faire naître un centre droit fort et consensuel autour duquel pivotera la vie politique française.

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