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Un conflit national et non un conflit de frontières

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Dans « Aujourd’hui Le Maroc » du 8 janvier dernier, nous avions déjà rappelé la « vision » du président George W. Bush concernant la création d’un Etat palestinien viable. George Bush doit aider, pour cela, Mahmoud Abbas ayant décidé d’établir une trêve de la violence. D’autre part, nous avons ajouté : «Shimon Peres, – devenu Premier ministre adjoint de Sharon (voire même sans autorité) -, ne doit pas cesser, de son côté, de réclamer le retour à la «feuille de route», même s’il craint (avec son Parti travailliste) que Sharon ne la déforme… » Et en conclusion nous avons émis un avertissement : «Tant que la paix n’aura pas reçu, à nouveau, la place qu’elle mérite à côté de la sécurité, il n’y aura ni sécurité ni paix. Et donc le désengagement de Gaza, même, sera en question… » Surtout si les conditions de la création d’un Etat palestinien définitif et viable ne sont pas parallèlement négociées et prévues dès à présent.
Nous savons qu’au cours du mois de mars, le président George Bush doit recevoir le président Moubarak, puis le président Mahmoud Abbas. Mais Sharon a dû reporter sa visite à la mi-avril, compte tenu de la tension intérieure en Israël. Le président américain doit parler, à l’un après l’autre, de la coordination et des conséquences du désengagement de Gaza. Et au-delà, il doit se préoccuper, comme le président de l’Autorité palestinienne, d’une question fondamentale : « Que se passera-t-il, au plus tard, au lendemain de l’évacuation des colonies de la bande de Gaza et du Nord de Samarie » ?
La presse américaine considère qu’au cours de la préparation de la réunion avec Mahmoud Abbas, le sujet principal reste « la vision » de Bush : « Aux termes de la « feuille de route », la prochaine étape dans la réalisation de cette vision et après les élections dans le territoire, demeure l’Etat palestinien dans des frontières provisoires ». Mahmoud Abbas, selon Akiva Adler, journaliste de Haaretz, a déjà fait savoir au président Bush qu’il n’avait pas l’intention d’accepter tout nouvel accord intérimaire, tel que celui prévu en deuxième étape par la « feuille de route », à savoir la création d’un Etat palestinien provisoire.
Et le journaliste de Haaretz rappelle: «Onze ans d’accords intérimaires, riches en implantations, en routes de contournement et en expropriations ont appris à un des signataires de l’Accord d’Oslo, Abou Mazen, qu’un arrangement intérimaire est, pour les Israéliens, une invitation aux faits accomplis sur le terrain».
Mahmoud Abbas ne cesse d’expliquer aux Américains et aux Européens que Sharon aurait l’intention de fixer les frontières provisoires de l’Etat palestinien, autour de « la bande de Gaza évacuée et les territoires dits A et B sous le contrôle de l’Autorité palestinienne ». Les proches de Mahmoud Abbas citent les déclarations de Dov Weisglass, conseiller principal de Sharon : « L’accord final attendra que les Palestiniens apprennent à se conduire comme les Finlandais », autrement dit le Protectorat des Russes…
En d’autres termes, conclut Mahmoud Abbas, Israël voudrait transformer le conflit national palestinien, qui préoccupe le monde entier, en un conflit de frontières : « Un des nombreux conflits du tiers-monde relégués en dernière page des journaux». Dans tous les cas, les Palestiniens craignent qu’une frontière « provisoire » ne donne un caractère légitime à «la barrière de sécurité » et aux colonies. Abou Mazen est, également, convaincu que de cette manière, le conflit national palestinien s’éternise en tant que simple conflit de frontières. C’est pourquoi Mahmoud Abbas répète : « En aucun cas, il n’y aura d’Etat palestinien avec des frontières provisoires. Il ne peut y avoir qu’un Etat palestinien avec ses frontières négociées et définitives ».
Mahmoud Abbas préfère, en effet, renoncer à un Etat provisoire à court terme au profit d’un Etat définitif, à un plus long terme limité. Les négociations sur le statut final de l’Etat palestinien viable, selon le calendrier de la « feuille de route », devraient se tenir et s’achever en 2005. Pour rattraper le temps perdu et compte tenu de la disparition de Yasser Arafat, les Palestiniens veulent sauter par-dessus la « seconde étape » et consacrer toute cette année, voire une partie de l’année prochaine 2006, à boucler la discussion d’un accord final et, par conséquent, la fin du conflit. Le journaliste Akiva Adler remarque : «L’Etat provisoire au profit des Palestiniens était supposé constituer une action prévue par la deuxième étape ». A Washington, Mahmoud Abbas saura, donc, dire au président Bush qu’il renonce à cette option, pour passer à l’étape définitive.
Dans le cadre de l’invitation à la Maison-Blanche, des Palestiniens mesurés posent la question fondamentale : Abou Mazen arrivera-t-il à convaincre le président Bush d’envisager sans tarder la solution définitive de l’Etat de Palestine ? C’est pourquoi ces modérés recherchent des possibilités de compromis correspondant, en particulier, à la lettre de Sharon adressée au président Bush. Sharon s’engageait sur une date pour la fin de la négociation «portant sur tous les sujets qui concernent l’accord final, y compris Jérusalem et les réfugiés », rappelle Akiva Adler.
D’ailleurs, à en croire Yossi Beilin, – initiateur et rédacteur des Accords d’Oslo en compagnie d’Abou Mazen -, la tâche du président de l’Autorité palestinienne auprès de la Maison-Blanche «ne sera pas facile ». Le partenaire du projet de Genève avec Abdel Rabbo est revenu de Washington, surpris que « le Département d’Etat et l’ONU, n’aient pas conscience du potentiel de crise de la gestion de l’Etat provisoire.
La faute incombe, assure-t-il, au manque de travail d’information de la délégation palestinienne à Washington ». Akiva Adler affirme de son côté : « Tant qu’Arafat était au pouvoir, les Israéliens considéraient qu’il n’y avait pas de partenaire palestinien à un accord final. On croit, aujourd’hui encore, pouvoir « tailler un costume sur-mesure » de l’Etat provisoire pour Abou Mazen et ses proches… »
Avec la disparition du président Yasser Arafat, l’obstacle à la réalisation, sous l’égide du président Bush, de deux Etats contigus, – Israël et l’Etat palestinien -, est levé. Il appartient, à présent, au président des Etats-Unis d’exiger la réalisation de sa « vision » de l’Etat palestinien viable auprès de l’Etat d’Israël, au cours de son nouveau mandat à la Maison-Blanche. Il suffit, pour cela qu’il modifie le calendrier ancien de la « feuille de route », l’estimation de Sharon que « rien ne presse ». Et que la négociation pour l’accord final « peut attendre les prochaines générations »… Une idée rétrograde et de préoccupation de politique intérieure. Bush doit prendre ses responsabilités et dicter « la solution » sans délai.
Car si la discussion pour arrêter les frontières finales de l’Etat palestinien viable ne devait commencer, au mieux, qu’après le désengagement de Gaza, – commençant fin juillet prochain -, cette suggestion des proches les plus modérés de Sharon, entraînerait à une période trop proche de la campagne électorale législative israélienne. Personne n’accepterait d’aller plus loin que le « provisoire », avant la formation d’un nouveau gouvernement israélien. Nous serons, alors, en novembre 2006… Peut-on attendre jusque-là ?
Le président Bush doit admettre qu’il est indispensable de serrer le calendrier de la « feuille de route » qui intéresse également le « Quartette ». Il est incontestable que le désengagement de Gaza apparaît, à présent à tous, – comme l’a également déclarée la secrétaire d’Etat américaine -, aussi bien aux Européens, à l’ONU qu’aux Arabes « une simple introduction marginale ». Si l’on cherche la fin du conflit israélo-palestinien, il faut, donc, préparer, sans tarder, lors de la visite de Mahmoud Abbas à Washington, « la suite de l’évacuation de Gaza et du Nord de Cisjordanie », avertit Akiva Adler.

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