Société

Israël : Une agression lourde de conséquences

© D.R

Non seulement il s’agit d’une agression gratuite, fondée apparemment sur un prétexte puéril, loin, très loin de constituer un «Casus belli », mais cette agression programmée sera lourde, très lourde de conséquences pour l’Etat juif. Il faudra des décennies pour faire oublier à tous les démocrates en général et aux peuples arabo-musulmans en particulier les crimes horribles délibérément commis, non contre les adversaires armés du Hezbollah dont la responsabilité reste à qualifier par les Libanais eux-mêmes, mais contre des civils innocents dont la plupart sont des femmes et des enfants. Oui, il faudra des décennies pour oublier ces images insoutenables montrant l’horreur à son paroxysme de familles entières sous les décombres de leurs demeures, souvent déchiquetées ou brûlées vives !
Comment un Etat issu d’un peuple naguère victime lui-même des atrocités du nazisme peut-il en arriver à ces extrêmes à l’ère du respect de la personne humaine et des règles élémentaires de toutes les conventions sur le droit de la guerre? Certainement parce que les victimes de l’Allemagne nazie étaient des juifs, des êtres comme vous et moi, alors que ceux qui agissent aujourd’hui au nom d’Israël constituent une race à part, pire que la race arienne que magnifiait Hitler, et qui a pour nom le sionnisme, doctrine` sans foi ni loi, sans principes humanitaires, orientée exclusivement sur l’usage de la force, de l’oppression et de l’expansionnisme. Dans son discours précédant le vote de la Résolution 1701 dans la nuit du 11 au 12 courant, relative à l’arrêt de la guerre au Liban, le Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan pointant Israël du doigt, n’avait pu s’empêcher de dresser, quoique rapidement, le bilan effroyable de pertes humaines, des destructions massives de l’infrastructure libanaise, de l’affront fait à l’O.N.U. en tuant ses casques bleus, et aux organisations humanitaires empêchées sous la menace des bombardements, d’acheminer des secours aux blessés, aux agonisants, et aux nourrissons,… Israël vient de donner au monde une image de lui-même, de grand criminel de guerre que ni les musulmans ni les chrétiens ni même les juifs pacifistes du monde entier ne sont prêts d’oublier. Cela, je le dis à la place de Kofi Annan même si je suis convaincu qu’entre les lignes de son discours, il le pensait profondément.
Israël a commis une grave, très grave erreur d’avoir accepté après Saba et Chatila, de servir de cheval de Troie à une politique manichéiste erronée de Bush, fondée sur la loi du plus fort, sur des préjugés issus d’une méconnaissance incroyable de l’Islam et du monde arabo-musulman, une politique qui, de jour en jour, éloigne un peu davantage les Arabes et les Musulmans de ce sympathique peuple américain jadis porte-flambeau de l’anti-colonialisme et défenseur des droits de l’Homme. Aujourd’hui hélas, après les massacres palestiniens, irakiens, libanais, pakistanais, afghans… après les violations des droits de l’Homme à Guantanamo et Abou Ghrib… après enfin la coalition américanobritanno-israélienne prétextant l’enlèvement de deux ou trois soldats israéliens, pour mettre en oeuvre un autre plan diabolique d’exterminations de la résistance palestino-libanaise, il ne reste plus qu’à croiser les doigts et à souhaiter que sous un prétexte quelconque, cette même coalition ne mette notre planète à feu et à sang…
En tout cas un Lincoln et un  Churchil doivent se demander de quoi ils avaient enfanté !
Quant à Israël, il vient de perdre une occasion inespérée de se faire oublier en évitant, sous des prétextes anodins, d’un côté de s’en prendre à des Palestiniens élus, devenus ses partenaires incontournables car élus par le peuple palestinien, et de l’autre côté d’attaquer dans les conditions et avec les conséquences catastrophiques et apocalyptiques que l’on sait, un peuple libanais pacifiste qui méritait plutôt un soutien lui permettant de recouvrer la plénitude de sa souveraineté sur l’ensemble de ses forces et de son territoire… Or, comme conséquence de l’agression israélienne telle que nous venons de la vivre dans ses horreurs et ses insoutenables atrocités à une heure seulement du cessez-le feu, il n’y a plus l’ombre d’un doute qu’Israël a mis la plus belle auréole sur la tête du Cheikh Nasr Allah devenu de ce fait le héros incontestable de cette guerre, non seulement au Liban, mais dans tout le monde musulman. Déjà, des centaines de nouveau-nés portent le nom de NasrAllah! Et les Libanais nous disent : «si Bush, Blair et Olmert le qualifient de terroriste, alors nous sommes tous des terroristes». Soyons sérieux! Aucun pays qui lutte pour son indépendance, son unité nationale et son intégrité territoriale ne mérite d’être traité de terroriste. Ni l’Amérique, ni la France pour ne citer que les deux pays co-auteurs de la Résolution 1701 devant arrêter la guerre au Liban, ne furent traités de terroristes en libérant leurs pays de l’occupation, l’une britannique et l’autre hitlérienne. Or l’arrogance et l’orgueil d’Israël pour reprendre une expression du Général de Gaulle, n’ont permis à aucune Administration américaine-démocrate ou républicaine – d’atteindre enfin une paix juste et durable
Et ce malgré les multiples Résolutions de l’O.N.U. et les innombrables plans (Washington -Camp David, Madrid – Oslo – Wye-plantation Taef, etc.. .etc…). Toutes les concessions faites à Israël par le défunt président palestinien, Yasser Arafat, n’ont reçu en retour qu’une fin de non-recevoir enrobée dans des promesses hypocrites et cyniques et des feuilles d’une route sans fin – Pourtant, il suffirait à Israël de se conformer au droit international et de respecter ses engagements.(entres autres : retour aux frontières d’avant 1967; retour des refugiés, libération des prisonniers, etc… ) pour débloquer une situation qui, plus elle dure, plus elle secrète une résistance encore plus violente et plus incontrôlable. Ni Bush, ni Blair, ne semblent comprendre que la nation arabo-musulmane a connu des transformations et des mutations sociales et culturelles considérables au point de ne plus continuer à supporter l’humiliation que leur impose l’Occident en général et Bush en particulier par Israël interposé. Et tant qu’Israël continuera à occuper les territoires palestiniens pris par la force, et tant que Bush et Blair refusent de regarder la réalité en face il n’y aura ni paix ni répit ni pour Israël ni pour les Etats de la région. Pire, plus une paix juste et durable tarde à venir, plus les générations montantes en terre d’Islam évolueront vers des solutions plus radicales. En tout cas, l’impopularité dans laquelle vient de se mettre aujourd’hui l’Etat hébreu à la suite du génocide libanais, vient d’ouvrir la voie à un nouveau discours, d’une autre génération, remettant en cause jusqu’à la formation même de l’Etat juif. Et c’est là me semble-t-il, l’une des conséquences les plus lourdes de cette guerre pour Israël. Et les Etats arabes ou musulmans qui, pour une raison ou pour une autre, mais souvent dans le souci de plaire aux U.S.A., avaient reconnu l’Etat hébreu, sans rien en échange, deviennent après cette sixième guerre, de plus en plus exposés à la fronde et au mépris de leurs peuples. D’autant que les conditions juridiques et historiques qui présidèrent à la formation de l’Etat d’Israël constituent aux yeux de la nouvelle génération musulmane, la plus grande supercherie coloniale du siècle dernier. Jugeons-en :
– Un mandat sur la Palestine, la Transjordanie et l’Irak, confié aux Britanniques par la Société des Nations en 1922 au même titre que le mandat sur la Syrie et le Liban confié à la France…
– La fin des mandats sur la Transjordanie , et l’Irak devait automatiquement s’appliquer également à la Palestine. Non! la Grande-Bretagne en décida autrement au mépris de ses engagements et du droit international. Et, en applications de sa promesse solennelle et unilatérale d’encourager la création d’un «home juif», prise par son ministre des Affaires étrangères Lord Balfour (voir Déclaration de Balfour de 1917), elle allait trouver dans la «Société des Nations» soeur aînée de l’O.N.U., censée protéger et mener à l’indépendance les peuples d’Irak, de Palestine, de Transjordanie, de Syrie et du Liban… un allié et un complice de premier plan. Sans vergogne, la Société des Nations, en confiant le mandat à la Grande-Bretagne sur la Palestine lui recommanda textuellement : «d’instituer dans le pays un état de choses politiques, administratives et économiques de nature à assurer l’établissement d’un Foyer national pour le peuple juif…
Venant de la part d’une Organisation internationale (la S.D.N.) ayant pour mission sacrée après sa formation au lendemain du premier conflit mondial, de mener les peuples vers l’indépendance, cette décision injuste et arbitraire demeurera aux yeux de tous les historiens en général, et des Palestiniens en particulier une grave injustice doublée d’une forfaiture inqualifiable !!!
Il n’en fallait pas plus à la Grande- Bretagne, puissance mandataire, pour se mettre au travail :
– Un haut Commissaire anglais en Palestine, Herbert Samuel, de confession juive, pour encourager et développer à outrance l’immigration juive en Palestine, officialiser d’autres langues au détriment de l’arabe.
– L’acquisition massive des terres palestiniennes par les colons juifs, même à prix d’or…
– L’émergence de trois organisations terroristes juives : la Hagana – Le Groupe Stern et l’Irgoun dont les exploits devraient rafraîchir la mémoire à Olmert et Peretz sur la définition du terrorisme etc… etc…
Dépassée, la Grande-Bretagne déclara son mandat inapplicable («unworkable») en mai 1939 et proposa la création d’un Etat juif que la communauté internationale du lendemain de la guerre de 1945, traumatisée par l’Holaucoste, encouragea par l’acceptation avec 33 voix seulement du partage arbitraire et injuste de la Palestine par l’O.N.U. le 29 novembre 1947. Et puis après? vient de me dire un vieux résistant marocain. L’occupation de l’Algérie n’a-t-elle pas duré 130 ans!
Par-delà la responsabilité historique totale et entière de la Grande-Bretagne dans l’instauration de ce régime colonial en Palestine et qui devrait inciter M. Blair à plus de retenue et plus de justice à l’égard du peuple palestinien, il n’en reste pas moins que la responsabilité de la S.D.N. d’abord et celle de l’O.N.U. ensuite méritent aujourd’hui une nouvelle lecture de la part d’une communauté internationale en perte de vitesse et surtout de confiance de la part des nouveaux peuples arabo-musulmans, de plus en plus conscients que la politique discriminatoire et aveugle des partisans de la loi du plus fort , risque de constituer la menace la plus sûre à la cohabitation pacifique des races et des religions et donc à la paix et à la sécurité internationales.

Par Mohamed Moatassine
Professeur de relations internationales

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