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5ème FIFM, la leçon canadienne

© D.R

Après avoir vu «El Ayel» de Moumen Smihi, «Alex» de José Alcala et «C.R.A.Z.Y» de Jean-Marc Vallée, tous en compétition pour l’Etoile d’Or du 5ème FIFM, une première tendance se dessine. S’il est certes trop tôt pour se hasarder en pronostics, deux facteurs déterminants jouent néanmoins en faveur du film canadien «C.R.A.Z.Y». D’abord, le film jugé à l’unanimité «de très haute facture». Jean-Marc Vallée, l’un des réalisateurs canadiens les plus respectés aujourd’hui, s’attaque dans ce film à une question qui préoccupe le Canada, et le Québec en particulier : l’homosexualité. La première séquence du film nous montre une famille en fête, un jour de Noël : 25 décembre 1965. Quatre enfants en train de manipuler leurs «joujoux», cadeaux de Noël, en présence d’un père bourré. Puis, gros plan sur une mère enceinte. Un cinquième enfant est né, le même jour que Jésus-Christ. Les parents sont sur un nuage, mais une désagréable surprise ne tardera pas à assombrir le cercle familial : Gagné par une joie délirante, et par inadvertance, le père renverse son petit «ange».
Ce fut une annonce (mise en abyme) d’une drôle d’aventure, à la fois mystique (quête initiatique d’un enfant supposé avoir des dons surnaturels) et fantaisiste (recherche d’une identité ambiguë, alternant innocence et homosexualité). Une tournure vue d’un mauvais œil par un père qui a du mal à imaginer que son «fils préféré» (né un jour de Noël) soit homosexuel, contrairement à quatre autres enfants assumant pleinement leur nature. Issus d’une famille de banlieue, nés d’une mère aimante et d’un père «fier» de n’avoir eu que des garçons (!), ils voient leurs chemins se séparer rapidement : l’un choisit le sport, le second, les filles et la drogue, le troisième, le conservatisme et le quatrième et dernier, lui, dérape vers l’homosexualité. «Zachary Beaulieu», puisque c’est de lui qu’il s’agit, a déçu les attentes d’un père qui l’a visiblement avantagé au détriment de ses quatre frères, et d’une mère qui croyait à tort que son fils avait des dons divins pour la simple raison qu’il est né un jour de Noël. Le problème de l’éducation est ici clairement remis, sinon en cause, du moins en question. Avantager un garçon et désavantager d’autres revient à rendre ces derniers jaloux, et par ricochet, le benjamin préféré hyper mou. Le père, incarné par le grand acteur québecquois Michel Côté (Le Dernier tunnel, Sur le Seuil, Cruising Bar), reconnaîtra à la fin du film le fait d’avoir été à l’origine de «l’homosexualité» de son benjamin et de l’encanaillement de son fils aîné par l’alcool et la coke. Ironie du sort, ce dernier mourra à cause d’une overdose. La fugue de son benjamin vers «Jérusalem» en rajoutera à la détresse d’un père lamentablement inquiet d’avoir perdu simultanément les deux fils les plus chers à son cœur, l’aîné et le benjamin. Ce dernier, confronté à la question du rejet à cause de son homosexualité, s’envole sous d’autres cieux, sur les lieux saints de Jérusalem, dans l’espoir d’obtenir une cure cathartique, puis sur les dunes désertiques du sud marocain, pour se retrouver face à lui-même. Il faut signaler, à cet égard, l’apparition du grand comédien marocain Mohamed Majd lors du passage de «Zachary Beaulieu» sur le désert marocain. La séquence dans laquelle il apparaît nous montre un bédouin attachant et accueillant à l’image d’un pays de grande tradition d’hospitalité, le Maroc. Une «mention» bien accueillie par le public du 5ème Festival international du Film de Marrakech.  Cette séquence, qui aurait été prise du côté d’Essaouira, augure de la délivrance de «Zachary Beaulieu». Après une thérapie réussie, le benjamin traverse de nouveau l’Atlantique pour retrouver son père avec sur les bras un cadeau très symbolique : un album intitulé «Emmène-moi au bout de la terre». Mais ces retrouvailles seront hélas compromises par un grand deuil : le frère aîné de «Zachary» est mort d’une overdose. Reste une consolation pour le père : «Zachary» a retrouvé sa virilité. Et son premier amour, une fille qui l’avait quitté après avoir appris qu’il était «homosexuel».
Une histoire à rebondissements, qui nous invite à méditer sur des questions d’actualité comme l’éducation, la religion, la paternité… Cette histoire, qui a suscité lundi soir une vive émotion au sein du cinéma «Le Colisée», est portée par des images qui renvoient, par un effet de miroir, un reflet accablant de ce que fut un Québec en proie à la dérive de ses enfants. Elle s’inscrit dans le sillage d’une filmographie québecquoise courageuse et très tendance.

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