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Saïd Mouline : «Nous aurons plus d’indépendance grâce à l’exploitation des énergies renouvelables»

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ALM : Quels sont les principaux acquis de l’année 2011 en matière de promotion des énergies renouvelables ?
Saïd Mouline : Les deuxièmes Assises nationales de l’énergie, tenues à Oujda le 31 mai 2011 sous la présidence effective de SM le Roi Mohammed VI, ont été les points forts de cette année. Au cours de ces Assises, plusieurs conventions ont été signées dont celles relatives à la création d’un institut des métiers des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique, une convention sur l’appui à l’investissement industriel dans les filières des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique, et une autre convention sur le développement de la recherche et du développement du photovoltaïque. Autre point fort, celui de la tenue à Marrakech de la première réunion du conseil d’administration de Desertec, avec la participation de 14 pays, et la tenue en juin de la première édition du Salon des énergies renouvelables à Casablanca.

Le Maroc accuse-t-il toujours du retard en ce qui concerne ce type d’énergie?
Je dirai le contraire. Le Maroc compte parmi les pays les plus avancés en matière de réalisation de programmes structurants pour l’exploitation des énergies renouvelables. Le programme solaire national intégré de 2.000 MW et le programme national éolien de 2.000 MW illustrent parfaitement cette approche et sont considérés parmi les programmes les plus importants dans la région. Dans l’électrification rurale par énergies renouvelables, le Maroc reste aussi pionnier dans la région. Notre approche garantissant un service d’énergie par des systèmes solaires individuels est même reprise dans d’autres pays africains. Sur le plan réglementaire, une loi relative aux énergies renouvelables a été promulguée et vise la promotion de la production d’énergie à partir de sources renouvelables en définissant le régime juridique applicable qui facilite l’autoproduction, l’accès au réseau et même l’exportation. De plus, trois autres organismes ont aussi été créés dont l’ADEREE qui est la transformation du Centre de développement des énergies renouvelables (CDER) en Agence avec des missions élargies à l’efficacité énergétique, la MASEN «Moroccan Agency For Solar Energy» qui a pour mission la mise en œuvre du grand projet marocain intégré de l’énergie solaire (2.000 MW), et la création de la Société d’investissement énergétique (SIE) qui a pour principale mission l’investissement dans des projets visant l’augmentation des capacités de production et la valorisation des ressources énergétiques renouvelables.

Le développement des énergies renouvelables nécessite des investissements très importants. Que proposez-vous pour remédier à ce problème?
Tous les projets de production d’énergie nécessitent de gros investissements. Les énergies fossiles et fissiles nécessitent en plus de payer chaque année des factures pour le combustible. Les énergies renouvelables nécessitent un investissement important au départ mais à part la maintenance il y a peu de frais ensuite. L’incertitude sur le prix des énergies fossiles à moyen et long terme associée à la problématique des changements climatiques fait que ces énergies connaissent une croissance exceptionnelle partout dans le monde. Je vous rappelle aussi que l’on ne se posait pas ce genre de question lorsqu’on a décidé d’investir des sommes importantes dans la recherche pétrolière, souvent sans beaucoup de résultats. C’est pour cela, je pense, qu’il est préférable d’investir dans ce type d’énergie qui sera très probablement l’énergie de ce siècle même si les énergies fossiles garderont une place importante pendant les décennies à venir. La rentabilité des projets énergies renouvelables et la maturité de certaines technologies particulièrement l’éolien et l’hydraulique mais aussi le solaire ont fait que les bailleurs de fonds s’intéressent davantage à ce type de projet et apportent les financements. Toute une variété d’institutions financières investissent aujourd’hui dans le secteur des énergies renouvelables ou lui accordent des prêts. Il est intéressant de constater que les investissements mondiaux dans ce domaine sont passés de 30 milliards de dollars en 2004 à 150 milliards de dollars en 2009 et 211 milliards de dollars en 2010, alors que nous sommes en pleine crise mondiale. Le Maroc a mis un place un cadre réglementaire et structurel clair dans ce secteur pour lui assurer une assise économique et des prises de participation du privé. Un climat de confiance doit être instauré auprès des bailleurs de fonds internationaux qui financeront avec plus de facilité ce type d’investissement. N’oublions pas les financements environnementaux dédiés et souvent concessionnels mis en place par des bailleurs de fonds qui se sont tous intéressés à notre pays. Enfin les banques nationales sont aussi associées à cette dynamique.

Quel est actuellement le rôle du secteur privé en ce qui concerne ce type d’énergie?
Une des principales composantes de ces programmes est le développement d’un tissu industriel national compétitif dans ce secteur. Cet objectif ne pourra être atteint qu’avec l’appropriation de ces technologies par le secteur privé et le développement de projets intégrés. Un effort est actuellement mené dans le cadre des programmes nationaux solaire, éolien et efficacité énergétique pour intégrer la composante industrielle dans la réalisation de ces programmes. Des zones industrielles spécialement dédiées au secteur ont été créées avec des incitations supplémentaires, notamment dans la Clean Tech d’Oujda. Dans cette même impulsion, plusieurs autres plateformes industrielles, zones franches et aides dans la formation ou l’investissement, on été mises en place par les pouvoirs publics pour l’émergence d’un nouveau tissu industriel spécialisé dans ce secteur. Le secteur privé joue déjà aussi un rôle dans les secteurs des chauffe-eau solaires et du photovoltaïque, ils sont d’ailleurs regroupés en association (Amisole) et des groupes privés développent des projets éoliens de puissance.

Quel est l’apport de l’ADEREE en matière de développement de ce type d’énergie?
L’Agence nationale pour le développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (ADEREE) a été créée en février 2010 pour remplacer le Centre de développement des énergies renouvelables (CDER), et ses missions se sont élargies pour devenir un acteur dont l’une des missions est précisément d’accompagner cette dynamique nationale dans le secteur des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. Ses missions s’articulent essentiellement autour de l’élaboration de cartographies nationales et régionales des ressources renouvelables de notre pays, éolienne, solaire, petite hydraulique et biomassique, la réalisation de programmes nationaux et de projets pilotes, ainsi que le renforcement de capacité et le développement technologique.
N’oublions pas que c’est avec le travail mené par le CDER dans les années 80 et 90 que le Maroc a pu développer une expertise nationale reconnue dans l’énergie solaire photovoltaïque et thermique, et que nous avons pu identifier plusieurs sites favorables au développement de parcs éoliens qui sont des réalités aujourd’hui. Actuellement, nous continuons à développer avec conviction et volontarisme des programmes couvrant l’accompagnement technique à la réalisation de programmes nationaux dans ce secteur. Nous mettons davantage l’accent sur le développement de programmes et projets dans les secteurs de l’efficacité énergétique (bâtiment, industrie, transport) consolidé par une offre de formation, d’assistance technique et financière et de sensibilisation. Je voudrais insister sur ce volet. L’énergie la moins chère est celle que l’on ne consomme pas. La loi sur l’efficacité énergétique va donner un cadre juridique à notre approche.

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