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Antoaneta Stefanova, échec et mat

© D.R

ALM : Comment as-tu vécu les péripéties du Prix Mohammed VI d’Al-Jadida ?
Antoaneta Stefanova : C’était vraiment quelque chose dans la mesure où c’était une expérience très intéressante pour moi. J’ai disputé beaucoup de tournois, mais celui-là est très particulier. Jouer dans un site estampillé patrimoine universel de l’Unesco (NDLR : la Citerne portugaise) a quelque chose de magique, l’atmosphère y est tellement spéciale. Mis à part le cadre exceptionnel où s’est déroulée la compétition, la liste des participants, d’une richesse manifeste, aura beaucoup contribué à la réussite de l’événement.
Pour ma part, j’estime que j’ai bien joué, à partir du premier ou second match, j’ai essayé de bien gérer mes duels, jusqu’à la fin du tournoi. J’étais très contente de voir les réactions du public. Tu sais, voir le public enchanté est une récompense inestimable, cela veut dire que les gens aiment ce que vous faites. Et ça c’est trop génial.
Comment vois-tu l’évolution de la famille échiquéenne dans le monde ?
Je crois que le jeu d’échecs est en phase d’accéder à une grande popularité. Certes, dans les pays de l’Est, c’est pratiquement un sport national, mais cette spécificité est en train de transcender les frontières et de se propager à travers les continents. Un peu partout dans le monde, le jeu d’échecs devient de plus en plus populaire, il y a beaucoup de changements qui s’opèrent. Cela dit, il reste beaucoup de travail à faire, et ce sur plusieurs fronts. Multiplier les manifestations échiquéennes est un moyen sûr de soutenir et donner un coup de fouet à ce sport. Je souhaite faire quelque dans ce sens et contribuer avec les moyens dont je dispose, aussi modestes soient-ils, pour promouvoir le jeu d’échecs.
Quelle est la place occupée par la femme sur l’échiquier ?
On constate que les femmes ne sont pas très nombreuses à pratiquer cette discipline. Le taux est un peu plus élevé dans certains pays d’Afrique ou d’Amérique latine. Cependant, la situation est presque générale sur toute la planète car, sur la totalité des échephiles dans le monde, la femme devrait représenter quelque 5%, tout au plus. J’espère pouvoir faire quelque chose pour ce jeu qui me passionne jusqu’au plus profond de mon être et promouvoir la présence féminine. Bref, mon souhait est de promouvoir la femme, pas seulement en ce qui concerne le jeu d’échec mais bien au-delà, dans tous les domaines où la femme est peu ou pas présente du tout. Cela m’a, par ailleurs, beaucoup ravie de voir que beaucoup de jeunes femmes marocaines s’intéressent aux échecs.
Un mot pour définir le jeu d’échecs ?
Combat.
Quels sentiments éprouves-tu lors d’une partie cruciale ?
D’habitude je suis calme et je fonctionne normalement, comme durant les Championnats du Monde. Je pense que mon système nerveux est assez équilibré. Bon, c’est vrai que dans pareilles situations, le stress ne manque pas le rendez-vous, certes, mais j’arrive à gérer cela et à tout canaliser. Ma recette est on ne peut plus simple : je fais de mon mieux pour éviter les erreurs et je reste calme, je ne me lance pas dans des projections lointaines, je me concentre sur la partie, sans plus, je joue partie par partie et je ne pense pas au match ou à l’aboutissement du tournoi. Quand je dispute une partie, plus rien n’existe, rien ne compte plus, il n’y a plus que mon adversaire et moi.
Comment décris-tu le plaisir que procure une grande victoire ?
Hmmm… C’est difficile à décrire. Certes, ça fait plaisir de gagner, on est content, on savoure cette victoire. Mais de par notre nature humaine, l’on a tendance à accorder plus d’importance à une défaite, chose qu’il faut éviter à tout prix. Trop penser à un échec a un effet déprimant et l’on aborde la partie suivante sans être en possession de tous ses moyens, alors qu’il faut l’aborder la tête vide, sans trop de pression.
Un échephile peut-il vivre de sa passion ?
Malheureusement, la situation des échecs n’a rien à voir avec le tennis ou la boxe. Non, ce n’est pas facile de vivre grâce au jeu d’échecs. Dans la catégorie des pros, il doit y avoir une vingtaine de joueurs qui arrivent à vivre de leur passion, parmi lesquels figurent quatre ou cinq femmes, à tout casser.
Cela dépend du pays d’origine, si l’on peut bénéficier d’un soutien ou pas. C’est très difficile dans la mesure où on ne dispose pas de salaire fixe. Si on a une passion pour les échecs, il faut faire beaucoup de sacrifices (…) J’en reviens à la popularité des échecs, si celle-ci n’est pas au rendez-vous, c’est aussi à cause des médias qui ne suivent pas, à la mesure de ce dont bénéficient les autres sports. Les sponsors aussi, pour en trouver, autant chercher une aiguille dans une botte de foin.
Comment envisages-tu l’avenir?
Bon, ce dont je suis certaine c’est de retrousser mes manches pour garder la cadence et défendre mon statut ! (Rires) Je me dis que je ne dois pas me consacrer exclusivement à ma carrière, car je dois nécessairement faire quelque chose pour le jeu d’échecs.
C’est un jeu qui m’a beaucoup donné et j’estime que je ne dois pas me montrer ingrate envers lui. Cela dit, j’envisage d’ouvrir une école dans mon pays, car il y a beaucoup de mômes qui aiment les échecs mais qui n’ont pas où jouer. Je crois que c’est l’un des meilleurs moyens pour promouvoir le jeu d’échecs. Bon, ce n’est pas encore très clair, mais ça se précisera au fur et à mesure que l’idée mûrira.

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