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Livres scolaires : Une centaine de milliards en jeu

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La règle semble s’installer, durablement : pour chaque nouvelle rentrée, le ministère de l’Education nationale concocte de nouveaux manuels scolaires. La saison 2004-2005 ne déroge pas à la règle : 64 nouveaux livres scolaires pour les 2ème, 3ème, 4ème et 5ème années du primaire et pour les 1ère et 2ème années du secondaire collégial font leur entrée sur scène.
C’est donc la quasi-majorité des 6 millions d’élèves scolarisés qui sont concernés par l’achat de ces nouveaux manuels.
Si l’on sait que sur les deux millions d’élèves du primaire, chacun d’entre eux doit se procurer en moyenne 6 manuels, les besoins du marché se chiffrent en dizaines de millions de livres supplémentaires, qui doivent êtres imprimés cette année. Ceci représente, faut-il le rappeler, un gigantesque marché.
En l’absence de chiffres fiables sur les montants générés par cette activité, il est impossible de se faire une idée précise sur le volume du marché du livre scolaire au Maroc. Partant de la moyenne des prix qui, selon une liste du ministère de l’Education nationale, varient entre 9 et 24 dirhams, l’on peut déduire que les bénéfices encaissés sont conséquents. À qui profite cette manne ? La liste des éditeurs sélectionnés comporte pratiquement les mêmes noms de maisons d’éditions, qui reviennent depuis plusieurs années : Annajah Al Jadida, Top Editions, Librairie Al Ouma, Al Maârif Al Jadida, les Ecoles, Dar Ihyae Al Ouloum », Somakram »…
Comment procède-t-on à la sélection de ces dernières ? Les nouveaux manuels ont été choisis parmi 255 projets, présentés par 34 éditeurs et 4 groupes d’auteurs, par une commission de 63 personnes travaillant dans les domaines éducatif, culturel et scientifique. Pour assurer l’objectivité des résultats d’évaluation des projets de livres scolaires, le ministère de l’éducation nationale précise que cette commission a travaillé dans la discrétion et l’autonomie totales. Peut-être un peu trop discrètement, d’autant plus que plusieurs questions persistent sur le fonctionnement de cette commission : est-ce que ses membres travaillaient au même niveau ? Etaient-ils investis de la même mission ?
La même confusion est palpable au niveau de la nouvelle démarche décentralisée adoptée par le ministère quant aux choix des manuels scolaires. En effet, et en vertu du principe de la décentralisation, les Académies et les délégations seront chargées, dans le cadre de leurs nouvelles compétences, d’élaborer la carte éducative et de préparer la rentrée scolaire à travers la détermination de leurs priorités régionales. C’est elles qui procèdent ainsi au choix des livres scolaires parmi ceux qui sont validés par le ministère. Reste qu’a ce jour, plusieurs délégations n’ont toujours pas fait leur choix. Dans le milieu, on explique que ce retard serait dû aux nouvelles nominations de délégués, et qui ont coïncidé avec la rentrée des classes.
Reste une question de fond : pourquoi changer les manuels scolaires ? Pour le ministère, la diversification des livres scolaires « permet de mettre fin au livre unique et restitue aux acteurs pédagogiques le pouvoir de choisir, parmi les livres validés, celui qui s’adapte le mieux à leurs élèves et optimise leur action pédagogique. » Pour cette année, les promesses sont énormes. Le ministère dit que les nouveaux livres sont en mesure de favoriser le développement, chez l’apprenant, des compétences de haut niveau intellectuel ainsi que le sens d’initiative et des attitudes d’ouverture au changement… et peuvent développer des réflexes démocratiques sous-tendus par les valeurs de la citoyenneté et des droits humains. Une révolution. En réalité, le système éducatif au Maroc vit, depuis l’année 2000, au rythme de réformes qui ne cessent, à chaque nouvelle année scolaire, de générer du chiffre, à défaut d’être performant.
L’explication tient au fait que plusieurs approches pédagogiques se succèdent sur le terrain. Et aucune ne semble convaincre encore les décideurs pédagogiques de ce pays. Au grand bonheur de quelques maisons d’éditions. Une aubaine.

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