Chroniques

Conflits d’influence et menace terroriste en Afrique

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La position de la France en Afrique est de plus en plus troublée. Le coup d’Etat au Gabon a ajouté un nouveau défi à l’influence française. Il est devenu difficile pour Paris de décider d’une intervention militaire au Niger ou ailleurs.

Le débat sur le coup d’État militaire qui a renversé le président Mohamed Bazoum au Niger n’a pas cessé – jusqu’à ce qu’un nouveau coup d’État se produise au Gabon. C’est peut-être la première fois qu’un coup d’État africain attire ainsi l’attention internationale, en raison de son lien avec le conflit d’intérêts entre les États-Unis et la France, d’une part, et la Russie et la Chine, d’autre part. Les coups d’État en Afrique ne sont pas un événement isolé, puisque le Burkina Faso, le Mali, le Tchad, la Guinée, le Soudan et la Guinée-Bissau ont connu des coups d’État militaires ces dernières années, suivis par le Niger et le Gabon le mois dernier.
Cependant, la nouvelle de ces coups d’État est associée à des discussions sur les réserves d’uranium, les sources d’énergie et l’exploitation minière dans ces pays. Ce qui irrite le plus l’Occident cette fois-ci, c’est la présence militaire croissante du groupe privé russe Wagner, qui est devenu un acteur actif dans de nombreux pays africains, en particulier ceux qui ont connu récemment des coups d’État militaires.
Les dynamiques culturelles et sociales dans les pays africains – en particulier dans l’ouest où les activités des groupes terroristes augmentent – sont devenues incompatibles avec la présence française. Paris n’a pas réussi à faire face à l’évolution rapide de la situation interne dans ces pays au cours des dernières années et a fait preuve de négligence et de retard, ce qui a provoqué un sentiment croissant d’hostilité à son égard. La Russie gagne du terrain à mesure que l’influence française recule.
Malgré divers développements dans plusieurs pays africains, les coups d’État militaires restent fréquents sur le continent en raison de l’absence de transitions pacifiques du pouvoir dans bon nombre de ces pays. La région de l’Afrique de l’Ouest a connu environ sept coups d’État au cours des trois dernières années.
Avec la fréquence de ces coups d’État ces derniers temps, les grandes capitales occidentales se retrouvent dans une situation difficile. Ces coups d’État surviennent au pire moment possible pour ces pays, que ce soit en raison de leur implication dans la guerre complexe en Ukraine ou des prochaines élections présidentielles américaines. Ces coups d’État représentent un nouveau défi pour la politique étrangère menée par l’administration du président Biden dans divers domaines, notamment les relations afro-américaines.
Certaines analyses considèrent ce qui se passe en Afrique comme un nouveau front de conflit contre l’Occident, organisé par la Russie dans les coulisses par l’intermédiaire de Wagner. Que cela soit vrai ou non, ce qui est certain, c’est que l’environnement international généré par la guerre en Ukraine joue un rôle majeur dans ce qui s’est passé au Niger et au Gabon. Les nouveaux dirigeants de ces deux pays se rendent compte que la France et les États-Unis ne sont pas dans une position stratégique leur permettant de se qualifier pour une intervention militaire directe ou même de soutenir d’autres interventions qui pourraient être menées par des organisations régionales.
Par exemple, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a suggéré une intervention militaire au Niger pour rétablir le président Bazoum, mais n’a pas pris cette mesure jusqu’à présent par manque de confiance dans le succès d’une telle décision, que ce soit en raison de la crise internationale ou de la situation interne du Niger. Le groupe s’est tourné vers des solutions diplomatiques, telles que la réduction de la période de transition proposée par le conseil militaire du Niger à environ neuf mois au lieu de trois ans.
La position de la France en Afrique est de plus en plus troublée. Le coup d’Etat au Gabon a ajouté un nouveau défi à l’influence française. Il est devenu difficile pour Paris de décider d’une intervention militaire au Niger ou ailleurs. Ce qui s’est passé au Gabon est un nouveau coup dur pour la France en Afrique, malgré la réaction relativement calme de Paris au récent coup d’État dans l’un de ses plus puissants alliés en Afrique depuis 1960. Des entreprises françaises sont présentes dans les zones de production pétrolière, et environ 400 soldats français y sont stationnés, ainsi que des dizaines d’entreprises françaises enregistrées au Gabon.
Le Gabon est un membre de l’OPEP qui produit environ 180 000 barils par jour. Il est également le deuxième producteur mondial de manganèse après l’Afrique du Sud, Comilog extrayant 90 % du minerai au Gabon. Ceci reflète les intérêts vitaux de la France au Gabon. Le coup d’État au Gabon présente un nouveau dilemme stratégique pour la France, à tous points de vue.
Le Gabon est l’un des pôles d’attraction de la France en Afrique, avec le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Tchad. De plus, cela ouvre la porte à une nouvelle érosion de l’influence française dans la région francophone, à mesure que son influence s’affaiblit dans un pays après l’autre. Cette situation a été décrite par France Info comme une contagion inquiétante se propageant à travers l’Afrique. A ce dilemme s’ajoute l’échec de la gestion des crises par l’Occident dans des pays africains tels que le Soudan et la Libye. En outre, la Russie et la Chine connaissent une expansion stratégique considérable sur le continent africain, Moscou y possédant plus de 10 bases militaires, ce qui dépasse le nombre de bases américaines.
Ce qui est inquiétant pour le monde et en particulier pour le Moyen-Orient – qui souffre depuis longtemps de la propagation du terrorisme – c’est que les organisations terroristes sont les plus grands bénéficiaires du chaos et des troubles qui surgissent en Afrique occidentale et centrale. Ces organisations y sont de plus en plus actives ces derniers temps, notamment des groupes comme Al Qaïda, le Mouvement pour l’unité et le djihad, l’État islamique dans le Grand Sahara, ainsi que des groupes locaux comme Boko Haram. Les grandes puissances qui se disputent l’influence dans cette région devraient en prendre conscience, afin que le monde ne perde pas la bataille la plus dangereuse contre la terreur et l’extrémisme.

Par Salem AlKetbi

Politologue émirati et ancien candidat au Conseil national fédéral.

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