Culture

Grandeur et décadence

© D.R

L’Amérique, c’est géant. Pas simplement au sens dimensionnel. Dans ce pays, tout est épique, vaste et unique. Un pays de grandeur, d’exploit et d’intelligence, quoi qu’on en pensent tous ceux qui vilipendent le territoire, ses dirigeants, sa puissance et son audace.
En fait, l’Amérique pourrait être comparée à une énorme machine qui carbure à une double cadence, capable de transformer, en or pur, la plus insignifiante des poussières et de broyer, en même temps, le plus solide des rocs avant de le jeter aux orties et à la vindicte populaire. Ce qui arrive à Michael Jackson en est la preuve la plus éclatante. Jamais déchéance n’aura été aussi fulgurante, aussi cynique et aussi spectaculaire. Une sorte de farce tragi-comique, teintée d’une once de Vaudeville insolent et malsain. On en rirait presque, tant est grotesque toute la pièce qui se joue actuellement à Santa Monica, en Californie. Prévu pour durer quelques mois, le procès intenté à Michael Jackson risque de s’étirer sur le fil du rasoir et du temps grâce non seulement au forcing des médias qui marchent depuis quelques temps déjà sur le cadavre de la star, mais aussi à cause de la formidable machine judiciaire qui a déroulé ses mécaniques ingénieuses. Et la justice, dans le pays de l’Oncle Sam, est un véritable électron libre. Tellement libre qu’elle en donne le vertige. Difficile de trouver dispositif aussi machiavélique, aussi outillé en textes de lois, en garde-fous et en possibilités de valses et de slaloms juridico-juridiques. D’un État à l’autre, le moindre excès de vitesse peut bousiller une vie, la fracasser et pousser au suicide l’automobiliste fauteur de troubles.
D’un État à l’autre, le pire des criminels peut se retrouver innocenté parce que ses droits élémentaires n’ont pas été respectés. D’un État à l’autre, de pauvres innocents sont grillés régulièrement sur la chaise électrique parce que l’intime conviction des jurés n’a pas été ébranlée par la prestation de l’avocat commis d’office, dans l’indifférence et le mépris. Les droits de la défense comme ceux de la partie civile sont des domaines sacrés.
Tout un rituel qui fonctionne à merveille, à coup de millions de dollars, gracieusement mis au service pour maintenir la sécurité des hommes et des biens. Et pour faire face à l’implacable machine judiciaire, pour se défendre, il faut être comme Michael Jackson, riche et donc puissant. En Amérique, cela sert forcément quand on a des ennuis avec la justice. Plus on est riche, plus les chances de s’en sortir sont importantes. Cela sert pour s’offrir le luxe d’engager des cabinets entiers de détectives privés, d’experts en tout genre et d’avocats réputés et repus de toutes les ficelles qui lavent plus blanc tout délinquant qui en a les moyens. Payés rubis sur ongles, ces mercenaires du droit sont spécialisés à peu près en tout et rien. Certains se focalisent sur la quête du moindre soupçon de vice de forme qui, une fois prouvé, annule les poursuites et renvoie les coupables, gentiment et légalement, chez eux. Et Michael Jackson, s’il est ce pédophile qu’on croit, doit sûrement attendre avec impatience que cela se produise. Toute une flopée d’avocats décortiquent le moindre bout de procédure pour sortir leurs jongleries, joutes verbales rodées, pour précipiter la chute des argumentaires accusateurs. D’autres, aussi sournois que voraces, sont plus portés sur le déballage des vies privées des uns et des autres. Le choix des membres du jury qui doit siéger pour le procès de Bambi donne le ton. Sur les cent candidats, la bataille consiste à n’en retenir, à l’unanimité comme l’exige la loi, que la bonne douzaine qui aura à se prononcer sur la culpabilité ou non de l’accusé. Entre bureau du procureur et avocats, les braves représentants du peuple passent de mauvais moments. Etripés par les uns et les autres, ces anonymes se retrouvent dans le plus excitant des castings. C’est vrai aussi que la farce en vaut vraiment le coup. Siéger dans un tribunal qui risque d’envoyer l’Extra-terrestre pour vingt ans à l’ombre d’un pénitencier à la cow-boy, n’est pas rien.
C’est même une sorte de gloire dont on peut rêver. Et que cela arrive précisément à Michael, doit faire jouir plus d’un.
Adulé ou honni, ce fils de mineur demeure l’une des plus belles créations de la machine à fabriquer les étoiles américaines. Danseur magique, chanteur talentueux, Michael accumule rapidement les succès, les millions de dollars, les phobies, les travers, les dérives et les énigmes. Son acharnement sur son physique, ses relations ambiguës avec ses propres enfants, ses frasques et le reste le conduisent, à la longue, de la scène des concerts dont il était le maître à la scène judiciaire qui risque de l’achever et de le jeter dans les poubelles des faits divers sordides.
Ruiné, abandonné par son sponsor et ses fans, Michael Jackson n’est plus en fait qu’un pantin désarticulé qui s’effrite dans le sens des girouettes déboussolé. S’il est coupable, le pénitencier qui le recevra, sera un autre indice de l’incroyable sens créatif de l’Amérique. On l’a vu avec Tayson, le champion de boxe, déchu pour l’éternité. Mais avec Michael, ce sera sûrement géant. C’est sur, c’est l’Amérique, tout ça. Le rêve.

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