Culture

Lasri, un désir de transcendance

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ALM : A regarder vos tableaux de près, la présence des hauts-buildings est à la limite de l’obsession. Pour vous, la verticalité rime-t-elle avec la transcendence?
Abdellatif Lasri : Lors de mon séjour à New York, j’ai été attiré par la présence des gratte-ciel. J’ai voulu reconstituer ces hauts-buildings à ma manière, en enlevant les façades. Dans mes tableaux, on ne voit que des cases, on oublie qu’il y a des façades. La couleur est toujours emprisonnée. Pour moi, c’est une manière de dire que nous sommes tous casés. Dans chaque case, je raconte la vie d’une famille ou d’un couple. Comme les hauts-buildings, les habitants n’ont pas de façade. Ils ne sont que des silhouettes, je n’en ai retenu que l’intérieur. Sur le plan technique, l’on voit dans mon travail une palette comparse de couleurs pures. J’ai procédé par une gestuelle particulière, faite de couleurs et de traces copieusement étalées au couteau, ma technique me permet une juxtaposition serrée de traces et chromatismes subtils organisés selon une grille que l’on peut suivre suivant l’horizontale, la verticale ou la diagonale, quel que soit le sens de la lecture.
Dans ce travail, le rythme joue sa partie. Et l’on sent qu’il y a des signes de tapis, rouleau d’écriture, métaphore d’un imaginaire calligraphié. Enfin, c’est une peinture de l’élan vital. Une formulation expresssive ou une vision dynamique. Maintenant, pour répondre à votre question s’il s’agit de désir de transcendance, je dois dire que j’aime simplement tout ce qui est vertical et droit. C’est plutôt l’expression d’un souci de droiture et de rigueur. Ma première expérience était marquée par l’éclatement des couleurs, cela a duré dix ans, après, je suis passé à la couleur verticale. Et depuis huit ans, je suis resté (rires…) dans les cases !

Dans vos tableaux, vous utilisez à fond les couleurs. Seriez-vous un coloriste ?
Plusieurs personnes m’ont fait la même remarque. Et pas vraiment à tort…

Dans votre travail, il y a une nette préférence pour les couleurs chaudes. Au-delà de leur vivacité, quelle autre signification peuvent prendre ces couleurs ?
Il faut voir là l’effet incontesté de mon «africanité», et en particulier de mes racines marocaines. Dans chaque maison, on voit des tapis. Et les tapis, ce sont généralement des couleurs brutes.

Dans un autre rayon de votre exposition, la présence des masques n’a pas laissé les visiteurs indifférents. Pourquoi cet intérêt pour le masque ?
Naturellement, les masques cachent toujours une vérité. Si on enlève ces masques, on devient tous semblables. Si le vernis tombe, notre réalité apparaît dans toute sa nudité. Pour ne pas dire dans toute sa laideur…

L’utilisation des masques ne serait-elle pas une manière de revendiquer aussi une identité ?
C’est en quelque sorte une façon d’exprimer mes racines africaines. Au fond, je revendique mon identité intérieure propre qui est riche et forte par rapport à mes origines et le monde tourbillonnant dans lequel on vit.

Dans vos toiles, il y a d’une part la présence des gratte-ciel et, de l’autre, l’existence des masques. Ce mélange entre le moderne et le primitif est-il voulu ?
Ce mélange est la traduction d’une expérience vécue et partagée entre l’Occident et l’Afrique. Ce mélange, je le vis et l’assume dans la symbiose. En règle générale, un artiste est comme un nomade.

Vos toiles se situent à mi-chemin du figuratif et de l’abstrait. Pourrait-on voir là l’effet de l’hésitation ou d’un choix délibéré ?
Pour moi, le figuratif est à la base de la formation de chaque artiste-peintre. C’est un peu comme le solfège par rapport à la musique. Le figuratif reproduit ce que l’œil voit. Au-delà du figuratif, c’est l’abstrait qui compte le plus pour moi. Parce que l’abstrait permet de voir par-delà le paraître, et offre donc la possibilité d’aller vers l’être des choses.  

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