Culture

Le Festival de Fès joue son identité

L’édition 2002 du festival de Fès se démarque des précédentes par plusieurs nouveautés. D’abord, le directeur dont le nom était lié à cette manifestation n’est plus sous les feux des projecteurs. Saâd Zniber a effectivement remplacé Faouzi Skali à la direction générale du festival.
Un nouveau directeur introduit généralement sa vision des choses. Il ne faut pas qu’il soit le simple continuateur de celui qui l’a précédé. La nouveauté la plus visible de cette 8ème édition est d’ouvrir le festival sur la ville. On lui reprochait d’être trop élitiste, de ne pas faire participer le grand public à la fête. Ce reproche semble être à l’origine de la création du «festival dans la ville». Un grand espace a été aménagé pour cela à la place Boujeloud. Le public qui le remplit est majoritairement formé de jeunes, décidés à faire la fête, en dansant, en tapant des mains. Ils ne viennent pas là pour une écoute attentive, mais pour des rythmes dansants. Comment est-ce qu’un festival «de musiques sacrées » peut-il répondre aux attentes de ce public sans s’écarter de son concept fondateur ? Peut-il inviter ce public à goûter les concerts qui constituent la principale attraction de l’événement? Apparemment, les organisateurs pensent que non. Ils ont proposé au grand public des musiques rythmées, si bien enflammées qu’elles n’entretiennent plus de corrélation avec les concerts programmés à Bab Makina et au musée Batha. Un concert comme celui du mercredi 5 juin, fondé sur la fusion, avec des guitares électriques, des synthétiseurs, peut même dénaturer l’identité du festival. Ces changements ont été introduits au grand dam de Gérard kurdjian, directeur artistique du festival. Ce dernier nous a précisé que « le festival dans la ville n’est pas le festival des musiques sacrées.
Ce n’est même pas un festival, ce sont des manifestations off. Elles ont une tonalité différente. On ne prend pas prendre sous notre responsabilité de programmation ce qui se passe dans le festival off». Et d’ajouter «On a présenté le festival dans la ville comme une extension, une continuation du festival des musiques sacrées, je pense que c’est une erreur.» Au demeurant, le festival off ne concourt pas seul à modifier l’empreinte qui a fait la réputation du festival des musiques sacrées dans le monde. Au programme de cette année, figure un concert de Sabah Fakhri.
Vendredi dernier, 5000 personnes sont venues pour assister à ce spectacle. Il n’y avait pas une seule place libre. Sabah Fakhri a enchanté le public. Il a communiqué de façon totale avec lui. Sa voix à la fois suave et puissante, de même que sa danse d’homme ivre, ont porté au comble de la satisfaction ses fans. Mais en quoi une chanson comme « Ibaat li Gawab» participe de la musique spirituelle ? Le concert de vendredi dernier peut être entendu dans n’importe quelle grande ville du Royaume, indépendamment du festival de Fès. La fête était certes au rendez-vous, mais le concept fondateur du festival a été complètement marginalisé.
C’est ce glissement vers autre chose qui menace l’identité unique de ce festival dans le monde. L’un des moments forts de ce festival, de ceux qui constituent sa marque patente, le public le doit à une chanteuse mauritanienne. Dimi Mint Abba que l’on surnomme « la diva du désert » perpétue une tradition de griots remontant à plusieurs siècles. Avec son petit orchestre, elle a donné du bonheur aux spectateurs présents au musée Batha. Ce concert respecte l’identité de la manifestation. Il a permis la découverte d’une grande chanteuse et d’une tradition de chant très peu connue.
Ce spectacle accuse paradoxalement la vocation exogène du festival. On le sait résolument tourné vers l’extérieur. Et justement, plus de 85% du public se constituaient d’étrangers.

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