Culture

Portrait : Massaïa, parcours atypique d’un autodidacte

© D.R

Tout a commencé sur une petite colline, perdue entre les plaines du Gharb et les montagnes du pré-Rif, à «Kariat Al Habbouchi ». Dans les années quarante du siècle précédent, les colons français avaient fait de ce village le chef-lieu de toute la région (Macharâ Belkssiri). Ahmed Massaïa se souvient de son village natal avec affection : « Cela a beaucoup influencé mon être ». Mais, ce premier bonheur ne tardera pas à s’envoler… en fumée. A l’âge de neuf ans, l’enfant perd et son père et sa mère.
Double perte ! Un autre n’aurait pu survivre à une épreuve aussi tragique. Mais, à toute chose malheur est bon. Après avoir perdu  ses parents, l’orphelin a dû retrousser ses manches. Il ne devait plus compter que sur lui. En effet, après des études réussies dans le primaire, le collège et le lycée, Massaïa intègre la vie active. A l’âge de 16 ans, il devient instituteur ; parallèlement à cette fonction, il poursuit ses études pour devenir docteur en lettres.
Ce titre lui permettra de gravir tous les échelons de l’enseignement, en tant qu’inspecteur, enseignant à l’université, secrétaire général de la Faculté des Lettres et des Sciences humaines de Mohammédia… De ce cursus, Massaïa retient deux moments qui auront beaucoup marqué sa vie professionnelle. Du temps où il était S.G de la Faculté des Lettres et des Sciences humaines de Mohammédia, Massaïa a organisé deux colloques internationaux qui ont fait date : « Théâtre et éducation » et « Economie et culture ». Les actes de ces deux colloques seront publiés aux éditions « Wallada ».
Cette remarquable percée aurait pu tourner la tête à Massaïa. Or, rien. Rien ne semblait pouvoir l’arrêter. Fidèle à sa passion théâtrale, Massaïa veut devenir acteur. Aussi s’inscrit-il au Conservatoire national de musique et d’art dramatique de Rabat. Plus tard, il se ravise pour faire des études sur le théâtre au lieu de le pratiquer. A la fin des années soixante-dix, Massaïa s’envole pour la France. Objectif : des études à l’Université Paris-III pour un doctorat en littérature dramatique. C’est parti sur des chapeaux de roue ; simplement, en cours d’études, le ministère de la Culture fait appel à Massaïa. Objectif : diriger l’Institut supérieur d’art dramatique et d’animation culturelle (Isadac). Il acquiesce, sans avoir pris le temps de réfléchir. « C’est une décision que j’ai prise sans réfléchir parce que j’estimais qu’un Institut pareil est le lieu par excellence de la réflexion sur le théâtre ». De retour chez lui, il s’engage à diriger cet Institut pour 12 ans.
Massaïa a le mérite d’avoir fait ouvrir l’Isadac à d’autres institutions similaires dans le monde, notamment l’Institut international du théâtre méditerranéen (IITM-Madrid). Avec José Monléon, président de l’IITM, et Richard Martin, vice-président du même Institut, Massaïa travaillera activement sur l’élaboration et la mise en œuvre de l’un des projets humanistes les plus saillants de ce début du troisième millénaire: Une croisière de paix à bord d’un navire de guerre roumain, à travers les pays du pourtour méditerranéen.
Au-delà de ce projet, Massaïa a réussi à établir une coopération culturelle fructueuse avec des pays situés de l’autre côté de la Méditerranée, ce qui lui a valu d’être décoré de l’Ordre du Mérite culturel par le gouvernement de Pologne et d’être fait Chevalier de l’Ordre de la Couronne par Sa Majesté le Roi Albert II de Belgique. La Nation lui reconnaît ses services puisqu’il a été décoré du Wissam du Mérite national par Sa Majesté le Roi du Maroc.
En plus de ces distinctions, Massaïa jouit d’une très bonne réputation parmi les étudiants de l’Isadac, sachant qu’il a fait jouer ses multiples relations à l’étranger pour faire bénéficier plusieurs d’entre eux de stages de formation au théâtre. En dehors de l’Isadac, l’homme inspire également le respect dans les milieux intellectuels, nationaux et étrangers. Soixante-huitard, cet homme a été de tous les combats. D’ici, où il a vu naître et côtoyé la fine fleur de l’intelligentsia, dont le romancier regretté Mohamed Zef-Zaf, l’artiste-peintre Miloudi ; et d’ailleurs où, encore jeune, il sillonnait l’Europe pour accompagner le mouvement hippie. Tout compte fait, il ne faut pas oublier le rôle de Massaïa dans l’animation culturelle de la ville de Rabat, sachant bien qu’il a été à la tête de son Festival. Cette activité, si intense soit-elle, n’a pas empêché Massaïa de nourrir sa passion première : l’écriture.
L’écrivain compte aujourd’hui plusieurs ouvrages : «Casa-Paris, sans retour », «Resac», entre autres recueils de nouvelles. Il a également publié de nombreux articles dans des revues et des journaux marocains et étrangers. Et ce n’est pas tout… Après avoir pris sa retraite de l’Isadac il y a à peu près un an, Massaïa veut maintenant se consacrer à l’écriture. « Puisque j’ai pris ma retraite, cette chance de liberté énorme me permet de reprendre mes écrits : romans, nouvelles, théâtre… Je me consacre à présent uniquement à cela », se réjouit-il.
Retranché souvent dans sa résidence à Oued Laou, un patelin du Nord du Maroc tranquille et propice à l’incubation de ses projets littéraires, Massaïa est également un inconditionnel de la ville de Rabat. De temps en temps, il y descend pour renouer avec ses bons vieux amis. Il en profite aussi pour fréquenter les espaces d’art et de culture de la capitale. 

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