La question d’une éventuelle fixation des prix du pétrole en une autre devise que le dollar provoque des divisions au sommet de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), alors que le billet vert ne cesse de baisser. L’opposition entre l’Iran, soutenu par le Venezuela, et les autres pays de l’Opep a éclaté au grand jour pendant une réunion des ministres des Finances, du Pétrole et des Affaires étrangères, diffusée par erreur à la télévision en marge du sommet de Ryad.
Ce thème, jusqu’ici sous-jacent dans les débats entre les membres de l’Opep, enfonce un nouveau coin dans les relations déjà difficiles entre Iraniens et Vénézuéliens d’un côté et Saoudiens et pays du Golfe de l’autre.
Dans une proposition écrite aux autres membres de l’Opep, le ministre des Affaires étrangères iranien, Manouchehr Mottaki, a demandé à ce que "la dépréciation continue du dollar", qui a perdu près de 25% depuis deux ans face à l’euro, soit incluse dans le communiqué final du sommet des chefs d’Etat de l’Opep qui s’est terminé dimanche à Ryad.
Le ministre du Pétrole du Venezuela, Rafael Ramirez, a déclaré de son coté que «la faiblesse du dollar fragilisait nos revenus».
«Peut-être que si nos revenus (pétroliers) étaient libellés en euros la situation des prix serait différente», s’est-il interrogé, soulignant que c’était la raison pour laquelle «se discute depuis un certain temps la question d’un panier (de devises) pour nos ressources pétrolières», au sein de l’Opep.
Les prix mondiaux du pétrole sont libellés en dollars dont la baisse continue diminue d’autant les revenus des pays producteurs. Elle contribue aussi à la flambée du pétrole qui devient une valeur refuge pour les spéculateurs. «La question de la monnaie de référence des échanges pétroliers n’est pas nouvelle. L’Opep mène des études sur la question. Elle a pensé à la fois à changer de monnaie et à un panier de monnaies», soulignait dimanche Said Nachet, l’un des dirigeants du Forum international de l’énergie, présent à Ryad. Pour lui, coter le pétrole dans une autre devise que le dollar n’est pas la solution. «Si demain vous valorisez la valeur du pétrole en euros, ça veut dire que les acheteurs de pétrole devront se procurer des euros en vendant des dollars pour se procurer le pétrole».
«Que ferait-on alors si dans deux ans l’euro revient à son niveau de lancement (1,16 dollar environ)? Rappelez-vous il y a trois ans on disait que l’euro était trop faible», avance-t-il. «Une organisation comme l’Opep, qui a la responsabilité de contribuer fortement aux approvisionnements en pétrole, ne peut pas changer de référence régulièrement car les cours des monnaies évoluent», estime M. Nachet. Le chef de la diplomatie saoudienne Saoud al-Fayçal a mis en garde contre une "initiative" de l’Opep qui pourrait avoir «des conséquences négatives sur nos revenus», ajoutant: «nous ne voulons pas que le dollar s’effondre». Pour l’instant, la requête irakienne ne semble pas avoir été retenue. «Le dollar ne sera pas dans le communiqué final», a assuré le secrétaire général de l’Opep, Abdallah el-Badri. Les 13 pays membres du cartel vont pour le moment s’en remettre à leurs ministres des Finances respectifs pour étudier la question. «Un panier de monnaies assure une plus grande stabilité qu’une seule monnaie, mais au sein même de l’Organisation ce qui ferait plaisir à l’un ne ferait pas plaisir à l’autre. Ce n’est pas évident sur le plan technique et il y a forcément un signal politique qui sortirait de cela que certains membres de l’Opep ne veulent pas donner», a conclu M. Nachet.