Economie

L’industriel militant

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ALM : Vous êtes à la tête de deux sociétés, Alamia Electron et Indeclair. Quelles sont leurs activités?
Driss Houat : Les deux sociétés opèrent dans le domaine de l’industrie électrique. Indeclair, qui existe depuis 1976, est spécialisée dans la fabrication des transformateurs, et Alamia, créée en 1982, est en quelque sorte un sous-traitant d’Indeclair pour tout ce qui concerne les fils émaillés et les câbles. Il faut signaler que la fabrication d’un transformateur consiste à rassembler plusieurs éléments. Pour être compétitifs, nous devions absolument fabriquer le maximum de ces éléments sur place, pour éviter des les importer. Aujourd’hui, l’intégration Alamia-Indeclair est assurée à environ 94%. Notre production est destinée au marché local, à hauteur de 80%, le reste est totalement exporté.
Quels sont les pays vers lesquels vous exportez ?
Nous visons essentiellement le marché de l’Egypte et celui de l’Union Européenne. Nous étions présents en Tunisie, mais depuis l’instauration d’une zone de libre-échange avec le Maroc, il y a trois ans environ, nous avons beaucoup souffert d’une concurrence déloyale. Et la douane marocaine n’a rien fait pour nous aider.
Expliquez-nous de quoi s’agit-il exactement ?
Il faut d’abord savoir que le prix du fil émaillé constitue 80% de la valeur d’un transformateur. C’est l’élément le plus coûteux. En fait, les industriels tunisiens importaient de Grèce ce fameux fil émaillé, assemblaient les transformateurs en Tunisie et l’exportaient vers le Maroc sans aucun droit de douane. Le problème, c’est que la règle d’origine, dans ce cas, n’est pas respectée. Le produit fini est beaucoup plus grec que tunisien. Mais grâce à l’aide de leur douane, les Tunisiens ont pu pénétrer notre marché sans aucune entrave tarifaire. Résultat: le produit tunisien est devenu nettement plus compétitif que le Marocain.
Qu’avez-vous fait pour dénoncer ces pratiques ?
Bien évidemment, nous en avons fait part à notre Administration des douanes. Mais cette dernière a demandé, tenez-vous bien, à la douane tunisienne de réaliser une enquête sur le sujet. Vous vous imaginez bien que le gouvernement tunisien ne va pas incriminer ses propres industries. En fait, nous avions deux choix possibles. D’une part, réduire les droits de douane à l’importation du fil émaillé, ce qui s’est avéré impossible car il existe deux sociétés marocaines qui le produisent. Et d’autre part, délocaliser notre activité vers la Tunisie et exporter vers le Maroc le produit fini.
Pourquoi n’avez-vous pas opter pour cette dernière solution ?
Vous savez, avant de me lancer dans l’industrie, j’étais directeur de banque à Safi, mon frère avait sa propre affaire à Casablanca. Mon père, que Dieu ait son âme, nous a demandé de rentrer à Oujda, notre ville natale, pour y fructifier le capital familial. C’est ce que nous avons fait même si nous pourrions gagner beaucoup plus ailleurs, dans d’autres villes, essentiellement à Casablanca. En outre, j’ai eu le privilège de discuter avec SM le Roi Mohammed VI lors de sa visite à Oujda. Il a énormément insisté sur la participation des forces vives de la région au développement économique de l’Oriental. Ce sont ces deux raisons qui font que je ne déroberais jamais.
Vous êtes également président de la CCIS d’Oujda. Quel est l’état des lieux en matière d’investissement dans la région de l’Oriental ?
Avant la célèbre visite de S.M. le Roi, il y avait un véritable exode, pour ne pas dire une fuite, des investissements vers les autres régions du Royaume. L’isolement d’Oujda et la contrebande ont accéléré ce phénomène. Mais le discours Royal, un événement historique, constitue un tournant. SM Mohammed VI a donné le coup d’envoi de plusieurs projets dont la réalisation contribuera à hisser la région de l’Oriental au rang des zones les plus attractives en matière d’investissement.
Une idée sur ces projets ?
Je citerai le projet d’autoroute entre Fès et Oujda. Le dédoublement de la voie entre cette dernière et Nador. La création d’une faculté de médecine, d’un CHU et d’un hôpital d’oncologie. D’ailleurs, ce dernier projet est pratiquement achevé. Nous voulons réaliser un développement intégré de l’Oriental. Chaque province aura sa propre mission de développement. Nador, avec son port, serait la capitale industrielle de la région. Oujda sera appelé à développer sa vocation administrative, culturelle, scientifique, etc. Saâdia s’impose dans le domaine touristique et Berkane pour l’agriculture, et ainsi de suite. L’objectif est de faire de cette région et d’Oujda particulièrement un carrefour euro-méditerranéen et maghrébin. Malgré les problèmes politiques avec l’Algérie, nous sommes confiants dans l’avenir.
Quelles sont les principales entraves à l’investissement dans l’Oriental ?
L’isolement est un problème crucial. D’où l’urgence de construire une autoroute et dédoubler la route qui mène vers Nador. En outre, pour attirer les investisseurs, il faut leur offrir des avantages comparatifs. Nous n’avons pas de recettes, mais une multitude de propositions que nous pourrons faire au gouvernement. Ça peut concerner l’allègement de la fiscalité locale, le coût de l’énergie ou le transport. Il est inconcevable que le billet d’avion Casablanca-Oujda coûte 2.500 DH.

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