L’Institut républicain international (IRI) n’est pas aussi indépendant qu’il veut le laisser croire. Celui qui a réalisé récemment un sondage controversé ayant crédité le PJD de 47% des intentions de vote si les élections législatives de 2007 ont lieu aujourd’hui n’est rien d’autre qu’un instrument de l’ingérence américaine dans le monde sous couvert de démocratie. L’IRI figure d’ailleurs en bonne place parmi les instituts satellites de la Fondation nationale pour la démocratie (NED, National Endowment for Democracy). Quoique son statut juridique fasse apparaître une vocation à but non lucratif, cette organisation, créée pour contrer la menace communiste, est financée par le Congrès sur le budget du Département d’État alloué à l’USAID, l’agence américaine pour le développement. La NED a su, bien sûr, s’adapter aux bouleversements qu’a connus le monde depuis la chute du Mur de Berlin. L’argent, nerf de la guerre, coulant à flots et émanant de plusieurs sources, est géré par un conseil d’administration où siègent à la fois le Parti républicain et le Parti démocrate ainsi que la Chambre de commerce US. Nombre d’anciens de la CIA y ont figuré par le passé. Ce qui accrédite l’idée selon laquelle la NED, qui œuvre pour la défense des intérêts de Washington sous d’autres cieux, poursuit les mêmes desseins que les services secrets américains mais en utilisant d’autres moyens plus soft. La carotte.
La NED, par le truchement de ses divers outils, cible les États où l’oncle Sam a des objectifs plus ou moins inavoués à atteindre en y créant ou encadrant des organismes dévoués qui se laissent manipuler au nom souvent d’une aide sonnante et trébuchante. Le fait que Le Journal hebdomadaire ait publié le sondage de l’IRI consacré à la vie politique nationale n’est pas fortuit. Le fait aussi que les sondeurs ont fait monter au pinacle le PJD n’est pas non plus innocent. Washington veut-elle par ce sondage sujet à caution se rapprocher des islamistes au cas où ils prendraient le pouvoir au Maroc, ou a-t-elle volontairement exagéré leurs capacités électorales pour déclencher un mouvement de peur dans l’opinion qui mènerait à leur discrédit et défaite ? La deuxième hypothèse paraît plausible tant il est vrai que le pouvoir américain n’a a priori aucun intérêt dans l’avènement d’un gouvernement aux couleurs islamistes. En effet, le prochain exécutif, qu’il soit à la sauce PJD ou autre, n’est pas suffisamment autonome et fort pour tourner le dos aux intérêts américains. D’ailleurs, Saâd Eddine Al Othmani aura-t-il assez de courage, histoire de signifier son désaccord avec la manière dont son parti a été instrumentalisé par l’IRI, pour annuler sa visite programmée dans les jours à venir à Washington ?
Certes, le patron des islamistes légalisés marocains pourra arguer qu’il n’est pas invité par les officiels américains mais par un institut spécialiste des affaires islamiques. Mais ce que M. Al Othmani doit savoir c’est que tous les “machins“ de ce genre versent directement ou indirectement dans le Département d’État.