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Le malaise des profs

Les fonctionnaires au Maroc ont mal à leur État. Régulièrement, ils lui réclament l’amélioration de leurs conditions morales et financières. Une catégorie s’estime particulièrement lésée, les professeurs du primaire et du secondaire qui sont entrés, par la biais de leurs syndicats, dans un bras de fer avec le gouvernement en agitant la menace d’une grève de 4 jours dans le secteur (du 14 au 18 mai).
Obligé de prêter une oreille attentive à leurs revendications, l’exécutif a réussi à convaincre les syndicats concernés de suspendre leur mot d’ordre de grève. Une telle exaspération, qui intervient en période préélectorale, ne pouvait pas plus mal tomber pour un gouvernement, appelé à jouer les pompiers pendant les mois à venir pour éteindre les feux sociaux qui se déclarent un peu partout dans le champ de la fonction publique.
La situation des enseignants n’est pas des plus brillantes. Bien au contraire. De l’avis même du ministère de tutelle, celle-ci a besoin d’être sérieusement améliorée. Mais pour des raisons budgétaires, l’État dit ne pouvoir débloquer que près de la moitié de l’enveloppe revendiquée, quelque 20 millions de Dhs au lieu de 40 millions revendiqués.
Au fil du temps, le statut social de l’enseignant s’est dégradé de manière considérable dans un pays où les salaires ne sont pas à la mesure du coût de la vie. Un enseignant de secondaire qui prend sa retraite après des années de service, voit en plus sa pension fondre comme neige au soleil : les 6000 ou 7000 Dhs qu’il percevait quand il était actif tombent à un niveau très bas après la déduction des indemnités qui constituaient le gros du salaire brut.
Ce personnel, qui touche un traitement de misère, s’est paupérisé à son corps défendant. L’enseignant n’a pas à chercher loin pour trouver des éléments de comparaison : dans sa classe même, certains élèves, bien sapés, semblent mieux lotis que lui. D’autres arrivent en voiture que lui n’a pas les moyens d’acheter. Drôle de notion de “ l’élève a dépassé le maître“. Une précocité qui tient plus de l’avoir que du savoir… Cet état de fait a rejailli sur la relation enseignant-enseigné où le respect qui doit être de rigueur a presque disparu. Fini le temps où l’écolier se cachait à la simple vue de son instituteur dans la rue.
L’admiration inspirée par le prof s’est depuis longtemps brisée sur les récifs des déséquilibres sociaux et de la dévaluation du savoir. Un enseignant doit pouvoir mener une vie décente pour donner le meilleur de lui-même. On conçoit mal qu’il en soit autrement.
Les raisons de la baisse dramatique du niveau scolaire et la crise multiforme qui frappe le secteur de l’éducation nationale sont également à chercher dans le sort fait à cette catégorie de serviteurs de l’intérêt national. La fonction publique ingrate ? C’est le sentiment qui domine chez la plupart des enseignants. Frustrés pour être sous-payés, aux prises avec un quotidien de plus en plus difficile, évoluant dans un environnement de démobilisation avancée, ils se demandent parfois s’ils sont vraiment utiles dans une société sur laquelle ils promènent un regard songeur, presque nostalgique. À quand le sursaut ?

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