Premier signe. Les istiqlaliens ont tenu à rester à l’écart du réseau d’appui au Plan d’action national pour l’intégration de la femme au développement, texte qui avait propulsé Said Saadi au devant de la scène et suscité une levée de boucliers des milieux «islamistes» et conservateurs. Plus même, de gros calibres du parti de Allal El Fassi se sont associés à la création, le 7 novembre 2000, de la Ligue nationale pour la Défense de la Famille (LNDF).
Mohamed Belbachir Hassani, membre du Conseil national du Parti de l’Istiqlal, assurait la présidence du Comité national pour la défense de la famille. Même si auprès de la direction du parti on soutenait que cette initiative était tout à fait personnelle, les observateurs ne pouvaient occulter la dimension de contrepoids politique du plan d’intégration auquel souscrit sans réserve l’USFP. L’affaire aura révélé au grand jour les « accointances » dont on taxait l’Istiqlal avec les milieux conservateurs et ses « visées » sur l’électorat proche des courants islamistes.
Certes, pour le PJD, l’affaire du plan d’intégration de la femme était une occasion de sortir du cloisonnement et d’étaler au vu de tous une force avec laquelle on voulait que l’on compte. La marche de Casablanca du 12 mars 2000, organisée contre le plan, édifiait clairement à ce sujet. Fort de cette nouvelle reconnaissance populaire de force en présence sur la scène politique, le PJD n’allait pas tarder à retirer son « soutien critique » au cabinet Youssoufi.
Une décision du conseil national du parti, qui augurait ainsi un nouveau positionnement à mi-législature, histoire d’engager plus confortablement la campagne électorale des consultations de septembre 2002 et d’en finir avec le statut de remorque d’une Koutla déchirée par la guerre fratricide PI/USFP.
A ce niveau, même une participation au gouvernement Youssoufi remanié n’aurait pas comblé les attentes de la direction du PJD. Quelques portefeuilles ministériels ? trop peu. On a choisi d’attendre la grande explication de septembre 2002 et de s’y présenter avec des arguments exempts de tout cachet de protagoniste d’un bilan qui n’allait être que décrié.
Or, il se trouve que ce retrait de soutien critique du PJD, une position d’ailleurs partagée par le PI, coïncidait avec l’entrée au gouvernement du secrétaire général du parti de l’Istiqlal, Abbès El Fassi. C’est également à ce moment-là que les deux formations politiques publiaient les bans de fiancailles politiques sur fond d’une «concordance spirituelle», révélée en marge de la polémique autour du projet d’intégration de la femme.
Ce n’était-la, c’est clair, que la partie émergée de l’iceberg. L’Istiqlal a été depuis le début un partenaire prudent de l’USFP au sein de la coalition gouvernementale. Son soutien critique, la qualité de sa participation au premier cabinet Youssoufi, les multiples sorties de ses dirigeants, en faisaient une sorte de membre à part de la coalition gouvernementale. Même quand Abbès El Fassi, secrétaire général du parti, acceptait de prendre en charge personnellement le lourd dossier du social après le remaniement du gouvernement du 6 septembre …., ses premières déclarations témoignaient de la distance vis-à-vis de la coalition nationaliste dont on percevait la faible espérance de vie. Il n’hésitait pas à ce propos à parler d’un « malaise au sein du bloc démocratique » qui daterait de 1998. Il allait même jusqu’à écarter d’un revers de la main tout danger potentiel du mouvement islamiste marocain et à endosser au gouvernement une partie « au moins » de « l’utilisation massive de l’argent » lors des élections.
Des déclarations qui ont permis toutes les interprétations. La plus récurrente, celle d’une entrée au gouvernement pour « consolider les acquis de l’Alternance » et « atteindre de l’intérieur, des objectifs hors de portée à partir de l’extérieur ». Calcul politique ? Ca en a tout l’air, tant l’Istiqlal semble bénéficiaire de son opération de restauration de virginité au sein de la Koutla. Avec au passage une précieuse onction démocratique et une option sur l’électorat proche des islamistes.