Société

Bonnes feuilles : L’élite politique mise à l’écart dès l’indépendance (19)

© D.R

Au lendemain de l’Indépendance, le septième arrondissement à Hay Mohammadi a été dissous. Il était géré par un résistant, en l’occurrence El Houssine S’ghir dont l’action a évité au Maroc, de manière générale et à Casablanca, plus particulièrement, de sombrer dans un chaos digne du Far-West. Car les hommes de la Résistance, dont le nombre ne dépassait nullement les 300 lors de la guerre de libération, comptaient par milliers dans la seule ville de Casablanca.
Dès son arrestation au cours de l’été 1958, El Houssine S’ghir a immédiatement compris qu’il était incapable de faire face à la série de complots que le Maroc s’apprêtait à vivre. C’est ainsi qu’il a décidé de quitter le Maroc et de s’installer en France où il a travaillé comme ouvrier dans une usine automobile. El Houssine S’ghir a abandonné les privilèges qu’il pouvait aisément accepter en sa qualité de héros de la guerre de libération, à l’instar de plusieurs autres Résistants qui ont préféré garder un silence complice en contrepartie d’intérêts purement personnels. Indépendamment de ce que peut dire Ahmed El Boukhari (ou ce qu’on lui a demandé de dire) au sujet du Résistant El Houssine S’ghir, personne ne peut remettre en cause le rôle joué par la famille de la Résistance dans l’instauration de la paix et la sécurité à Casablanca. De même que personne ne peut nier le fait qu’El Houssine S’ghir a refusé le statut de Résistant, avec tous les privilèges qui en découlent, lui préférant celui d’ouvrier en France vivant de la sueur de son front.
A la lecture des différents épisodes du témoignage d’Ahmed El Boukhari, on se rend compte de la légèreté des informations que colportaient les agents des services de la Sûreté nationale et qui leur servaient à la rédaction des rapports adressés aux instances officielles. Et c’est ainsi que les agents de la Sûreté nationale trompaient, délibérément ou pas, ces instances officielles en diffusant de fausses informations sur des citoyens et ce tout au long des années sombres de l’Indépendance. Des années de plomb où des responsables officiels eux-mêmes ont été victimes de ce phénomène de désinformation.
Prenons tout d’abord le cas de Driss Basri qui était chargé des renseignements généraux dans la préfecture de Rabat et qui m’a arrêté dans la nuit du mardi 16 juillet 1963, ou plus exactement deux mois auparavant. Ahmed El Boukhari raconte que Driss Basri a choisi d’être le gendre d’El Haddaoui Tanjaoui, l’un des collaborateurs d’Oufkir, pour être promu au grade de commissaire. En fait, la relation familiale entre les deux hommes a commencé vers la fin de l’année 1963, quand Driss Basri a demandé la main de Fatiha Slimani, fille de Rkiya El Haddaoui, la sœur de Mohamed El Haddaoui Tanjaoui. A l’époque, Driss Basri était commissaire de police depuis trois ans déjà. Si Ahmed El Boukhari avait lu le numéro du magazine « Police » d’avril 1961, il aurait découvert les résultats d’un concours organisé en 1960 pour un groupe d’officiers baptisés par Oufkir «Promotion Hassan II». Driss Basri était le premier de la liste, suivi par Ghazi Baâzate, un ami intime d’Oufkir.
Avant ce fameux concours, Driss Basri n’entretenait aucune relation avec les grands de la Sûreté nationale. Et nous pouvons dire que sa réussite avec brio au concours des officiers représente le point de départ de sa carrière.
Driss Basri était au début un Marocain ordinaire qui a rejoint les rangs de la Sûreté nationale, un domaine de souveraineté récupéré après l’Indépendance. La simple vue d’un Marocain vêtu d’un uniforme de police provoquait la joie des hommes et des femmes. Tous les citoyens du Maroc pouvaient avoir un parcours ordinaire au sein de la police nationale. Mais l’arrivée d’Oufkir le sanguinaire, en juillet 1960, transformera les services de police en un instrument de destruction des aspirations du peuple et son désir de construire un régime démocratique. Cette situation a profité aux officiers de police et même des gardiens de la paix ont pu obtenir des promotions et devenir des officiers. Il est vrai que Driss Basri a profité de son mariage avec la nièce du numéro deux de la Sûreté nationale, El Haddaoui Tanjaoui, pour gravir rapidement les échelons et devenir quelques années plus tard, le numéro deux de l’Etat. Mais il ne faut pas oublier qu’il était le major de sa promotion dans le concours organisé en 1960.
Ceci pour dire que n’importe quel témoin des années de plomb doit faire preuve d’un minimum de précisions. Et c’est ainsi que Driss Basri pouvait aisément suivre un parcours ordinaire pour le bien de la sûreté du pays, mais à cause de la déviation de la voie politique au Maroc, cet homme a connu un autre destin.
Les exemples de désinformation ou du moins de la faiblesse des données chez Ahmed El Boukhari ne manquent pas. L’agent du Cab1 prétend, en sa qualité d’originaire de Safi, bien connaître le docteur Mohamed Benhima, lui aussi natif de la même ville, qui a occupé le poste de Premier ministre et plusieurs autres responsabilités ministérielles.
Ce que El Boukhari a raconté au sujet du docteur Benhima donne une idée de la vision qu’avaient le ministère de l’Intérieur et tous les services qui en dépendaient, sur les ministres qui ne faisaient pas partie de leur famille. Beaucoup de choses peuvent être dites sur le compte du docteur Benhima. Mais il ne faut pas oublier que tous les Marocains ont suivi en direct sur le petit écran une  conférence de presse annonçant les résultats des élections législatives de juin 1977. A cette occasion, Benhima a dit clairement que tout ce qui s’est passé (il entend par cela les falsifications des résultats) était une idée de ce « jeune », en pointant le doigt sur Driss Basri qui était assis à ses côtés et qui  a occupé à l’époque le poste de secrétaire d’Etat à l’Intérieur, et l’architecte des consultations du vendredi 3 juin 1977.

Traduction :
Abdelmohsin El Hassouni

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