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Intoxication par les plantes au Maroc : Le ricin et le chardon à glu, les plus incriminés

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Au Maroc, l’intoxication par les plantes est un problème de santé publique qui a pris de l’ampleur ces dernières années. Elle peut survenir dans des circonstances accidentelles ou volontaires et peut être mortelle.

Le Centre Antipoison du Maroc (CAPM) a récemment publié un numéro spécial dédié aux intoxications par les plantes et les produits de la pharmacopée traditionnelle au Maroc qui figure dans le dernier numéro de sa publication officielle «Toxicologie Maroc». Dans cette publication, le CAPM attire l’attention sur cette problématique trop méconnue. La législation à ce sujet est toujours défaillante et les vendeurs de plantes ne sont pas contrôlés. Ainsi, le CAPM appelle les autorités habilitées à réglementer, à normaliser ou à contrôler l’importation, la distribution et la commercialisation des plantes et des produits de la pharmacopée traditionnelle. Les citoyens doivent être vigilants quant à la consommation des plantes et des mélanges de plantes qui leur sont proposés.

Ce type d’intoxication a pris de l’ampleur ces dernières années. Un suivi régulier de leur épidémiologie est primordial surtout que les données sur ces intoxications sont peu fréquentes. Dans une étude rétrospective sur une période de 11 ans (du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2019), le CAPM a essayé de déterminer les caractéristiques des expositions humaines aux plantes et aux produits de la pharmacopée traditionnelle. Durant la période de l’étude, le CAPM a reçu 1.826 déclarations d’intoxications ayant concerné 183 plantes et produits de la pharmacopée traditionnelle avec une moyenne de 166 cas par an. Les incidences sont variables d’une année à l’autre et région à l’autre. L’incidence calculée sur la période de 2017 à 2019 était de 11,87 cas pour 100.000 habitants dans la région de Rabat-Salé-Kénitra et zéro cas pour 100.000 habitants dans les régions du sud du Maroc.

L’incidence moyenne a varié entre 3,23 et 4,85 cas pour 100.000 habitants. La majorité des déclarations d’intoxication provenait des préfectures de Rabat, Casablanca, Marrakech et Fès. Les intoxications se sont produites essentiellement en milieu urbain (79,8%), surtout à domicile (63,7%) et étaient essentiellement isolées (76,2%). La circonstance accidentelle était la plus représentée (56,4% des cas). Le ricin est le plus incriminé dans les cas d’intoxication (10,9%), suivi du chardon à glu (10%). Pour les cas où la voie d’intoxication était précisée, celle-ci était orale dans 84,61%, cutanée dans 6,08%, par inhalation dans 1,81% et oculaire dans 0,33%. Les patients étaient symptomatiques dans 53,4% des cas et présentaient essentiellement des signes gastro-intestinaux (47,5%), suivis des signes neurologiques (24,05%). La létalité générale correspondait à 5,21% (67 cas de décès) dont 66,7 % des cas étaient des enfants.

Le chardon à glu est responsable de 19,4% des cas de décès pendant la période de l’étude (13 cas de décès), suivi de mixture de plantes dans 13,43% (9 cas), puis du ricin dans 7,46% (5 cas). Le CAPM estime que la lutte contre ces intoxications requiert un plan d’action qui devrait être intégré dans le programme scolaire. Le Centre antipoison a déjà mis en place des conduites à tenir face aux intoxications par les différentes plantes incriminées. Selon le CAPM, celles-ci devraient être évaluées et faire l’objet d’une diffusion auprès des praticiens.

Profil épidémiologique des décès
Dans une autre étude, le CAPM a passé au crible le profil épidémiologique des décès par les plantes au Maroc, pendant la période allant de 2009 à 2020. Le CAPM a ainsi reçu 1.952 déclarations de cas d’intoxication par plantes et produits de la pharmacopée traditionnelle durant cette période. Au total, 76 cas de décès ont été dénombrés, ce qui représente un taux de létalité de 3,89 % par plante. La gravité des intoxications par les plantes dépend de nombreux facteurs : la nature de la plante, la partie consommée, la quantité, la prise à jeun ou non, l’âge et les circonstances. La région la plus représentée était Fès-Meknès avec 27,60% des cas, suivie par la région de Casablanca-Settat avec 22,40% des cas puis Rabat-Salé-Kénitra avec 18,40 %. La circonstance accidentelle était la plus fréquente (93,42 % des cas). Les intoxications étaient accidentelles chez l’enfant dans 61,19 % des cas.

L’utilisation des plantes dans les tentatives de suicide a été révélée dans 6,54% des cas. Ces intoxications se sont produites essentiellement à domicile (71,15%), lors d’une ingestion orale (85,71 % des cas) et de façon isolée (71,10%). La tranche d’âge la plus touchée était celle de l’adulte avec 35,21 %. Les signes les plus souvent rencontrés étaient les signes gastro-intestinaux, suivis des signes neurologiques. ». L’intoxication par les plantes est un phénomène inquiétant par son nombre de victimes déclarées ainsi que sa gravité . L’Atractylis gummifera» était la plante la plus incriminée avec 25% des cas, suivie du mélange de plantes dans 14,47 % des cas. Il est à noter que la consommation de mélanges de plantes médicinales est une pratique courante chez les patients atteints de maladies chroniques.

Plus de 30% des sujets intoxiqués sont des enfants
Au Maroc, plus de 30% des sujets intoxiqués sont des enfants. Les ingestions de plantes toxiques et les erreurs du traitement traditionnel étant responsables des décès toxiques. Dans une étude, le CAPM s’est intéressé aux enfants hospitalisés en réanimation pour une intoxication aux plantes, pendant une période de 13 ans, de janvier 2009 à juin 2021. Durant la période d’étude, 20 patients ont été admis en réanimation mère et enfant du CHU Hassan II pour intoxication aux plantes. L’âge moyen était de 4,6 ans.

A noter que 40% des enfants intoxiqués étaient âgés entre 6 et 12 ans, 35 % étaient des nourrissons. Aucun cas n’a été rapporté chez le nouveau-né de moins d’un mois. La plupart des intoxications ont eu lieu au domicile (14 enfants), et 4 cas se sont produits dans une ferme (20%). L’Atractylis gummifera a été la plante la plus incriminée (25 % des cas) suivie de l’huile de cade (15%). Les symptômes ont été dominés par les signes neurologiques et digestifs.

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