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Ramadan à Tindouf : l’horreur des camps de la mort (2)

© D.R

Si aujourd’hui je témoigne des atrocités commises dans les camps de Tindouf par le Polisario, avec la complicité criminelle de l’Algérie, il faut toujours avoir dans l’esprit que d’autres prisonniers Marocains subissent encore et quotidiennement des traitements inhumains dans ces mêmes camps. Personnellement, j’ai été emprisonné dans le camp Hamid Ba Cheikh. Il est aussi appelé le camp rouge en raison de la couleur ocre de la terre qui a servi à sa construction. En fait, la hiérarchie sécuritaire dans tous les camps du Polisario est composée de trois niveaux. Au bas de l’échelle, les gardiens (Al Horras). Un peu plus haut les Responsables de la Sécurité que tout le monde appelle communément S’hab El Amne. Et enfin, au top de la pyramide, le Directeur de la Sécurité militaire. Ce dernier est la personne centrale dans le système de détention des prisonniers marocains à Tindouf. C’est tout simplement un type de ministre des prisons. C’est le responsable direct devant l’armée algérienne. Il reçoit ses ordres de l’officier algérien en poste à Tindouf. Parmi les Directeurs de la Sécurité militaires les plus célèbres, il y avait le propre Omar Hadrami, l’actuel Wali de Settat. Je vous citerais plus loin les noms de tous les Directeurs de la Sécurité militaire qui se sont succédés depuis mon arrestation en 1980. Mais avant cela, revenons aux gardiens. Ce sont eux qui côtoient les prisonniers de plus près. Ils vivent avec eux 24 heures sur 24. Ils les surveillent et leur rappellent constamment qu’ils sont des détenus. Ces gardiens proviennent de tous les pays frontaliers. Ils s’agit des Sahraouis Marocains, des Algériens, des Mauritaniens et des Maliens. L’origine des gardiens est très importante pour les prisonniers. Les Mauritaniens et les Sahraouis d’Algérie sont les plus impitoyables. Ce sont eux qui torturent le plus. Généralement, les Sahraouis Marocains sont beaucoup plus cléments envers les séquestrés. Je me rappelle d’un Haris dénommé Brika. C’est un Marocain originaire de Guelmim. Un jour, il a carrément refusé d’appliquer des instructions lui ordonnant de passer à tabac un des détenus Marocains. Cela lui a valu, pendant plusieurs mois, les foudres des responsables de la sécurité. Mais en même temps, il est devenu très célèbre et très apprécié par les prisonniers Marocains. Par respect, nous l’appelions El Haj. De toute façon, les gardiens sont les premiers criminels. Je me rappelle spécialement de deux d’entre eux: Ali Salem, alis Rubio. Ils obligeaient les prisonniers à ouvrir la bouche pour leur cracher dedans. Je citerais également Seddik, qui nous frappait à coups de bâtons, de brodequins sur toutes les parties du corps. Sans aucune raison, mais pour son propre plaisir. Le corps des responsables de sécurité est composé d’hommes de confiance, généralement des Mauritaniens mais également des Marocains ayant fui leur pays en 1973 en direction de l’Algérie. S’hab El Amne a un parcours beaucoup « prestigieux » que les simples gardiens. Ils poursuivent une formation militaire et un entraînement spécial à Alger et dans d’autres villes du nord d’Algérie. Ces responsables de la sécurité surveillent scrupuleusement la relation entre les prisonniers et leurs gardiens. Tout fléchissement de ces derniers et toute compassion envers les détenus pourraient leur coûter très cher. Je vous donnerais le nom de quatre responsables de sécurité. Tour d’abord, Haddou. C’est lui qui a veillé au « bon déroulement » d’une grande campagne de torture et de travaux forcés organisée lors des mois de janvier et de février 1981. Pendant deux mois entiers, nous avons travaillé sans relâche dans la construction des abris pour les chars et les munitions. Environ 750 prisonniers marocains ont creusé jour et nuit. Deux mois sans dormir une seule seconde, même pas la nuit. Aujourd’hui, Haddou vit au Maroc. Même chose pour Chérif Filali, un autre responsable de sécurité. Je le cite, lui, pour deux raisons. La première, c’est que je l’ai vu exécuter un prisonnier Marocain, un militaire appelé Abderrahmane. Chérif Filali a versé de l’essence sur ce dernier, avant de le brûler complètement. Mais Abderrahmane n’est pas mort. Un spectacle affreux. Abderrahmane a eu la mâchoire inférieure collée à sa poitrine. Il en est devenu fou. A cause de son visage défiguré et de sa folie, le Polisario l’a exécuté six ans plus tard, juste avant une visite du Comité de la Croix Rouge Internationale (CICR). Aujourd’hui, Chérif Filali vit, lui aussi, au Maroc. Je reviendrais à d’autres exécutions plus tard. Le quartier général du Directeur de Sécurité militaire se trouve dans le célèbre camp Rabouni. C’est un lieu où les Français avaient laissé un robinet d’eau lors de la période coloniale. D’où le nom du lieu, déformé par la suite par les Sahraouis. Nous sommes passés de Robinet à Rabouni. C’est donc à partir de ce camp que les différents directeurs de la Sécurité militaire géraient les multiples camps où sont emprisonnés les Marocains. Ceci dit, les gardiens sont également chargés d’exécuter les sales besognes. Ce sont eux qui tuaient les prisonniers encombrants. Il s’agit de certains détenus qui ont carrément sombré dans la folie à cause des mauvais traitements, d’autres étaient gravement malades à cause du défaut d’hygiène et certains se sont retrouvés défigurés par la torture. J’ai personnellement assisté à plusieurs exécutions de ce type. C’est le cas d’un prisonnier militaire, Tabia Brahim, devenu fou et donc encombrant. Aussi, tous les fuyards sont systématiquement exécutés. Je pense notamment à Souaki Lahcen un prisonnier originaire de Khénifra et un autre dénommé Lacheb, originaire de la région de Tata. Aucune exécution ne pouvait avoir lieu sans l’assentiment des officiers algériens. En fait, c’était sur ordre de ces derniers que le Polisario tuait et torturait les prisonniers Marocains.

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