Culture

A l’intérieur des grilles de Lasri

© D.R

Cela fait trois ans que Lasri n’a pas exposé au Maroc. Ce peintre, qui vit et travaille à Paris, a tenté l’année dernière un retour au pays, contrarié par le manque d’espaces professionnels. Alors que tout était prêt pour un vernissage à Rabat, Lasri a décidé de renoncer à accrocher ses oeuvres : les locaux ne s’y prêtaient pas. Cette fois-ci, le problème du lieu est résolu, car la galerie Venise Cadre est l’un des espaces, à Casablanca, les mieux adaptés à l’exposition de tableaux. Elle a malheureusement la réputation d’accueillir des artistes qui se vendent bien, mais sans compter pour autant parmi ceux qui révolutionnent la peinture moderne au Maroc. Cette étiquette est très vite balayée par l’énergie que la peinture de Lasri communique aux visiteurs. Les traces d’un combat, celui que l’artiste a mené pour aboutir au tableau, sont manifestes. Le couteau qui entame la chair de la peinture, donne du relief, laisse des marques. Symboliquement, ce couteau hausse le face-à-face du peintre avec son oeuvre à un duel, à une partie à l’issue de laquelle il n’y a ni vainqueur, ni vaincu… Et bien, ce couteau-là est l’instrument par excellence dont se sert Lasri pour réaliser ses tableaux. Il est aussi le complice de la tension, résultant de la résistance de l’oeuvre au peintre. De nombreux tableaux de Lasri communiquent en effet une tension qui n’est autre que cette vertu mystérieuse de la peinture qui sort le spectateur de son inertie, lui fouette les nerfs, lui fait intensément sentir qu’elle est là. Cette tension-là se fait particulièrement sentir dans les tableaux où le noir est un foyer de résistance aux couleurs. Plastiquement parlant, les tableaux de Lasri sont non figuratifs. Ils sont sous-tendus, pour la plupart, par une forme géométrique d’où ils tiennent leur équilibre : la grille. Cette forme se déploie sur toute la surface de certaines toiles ; dans d’autres, elle est à peine suggérée. Dans les oeuvres où les grilles s’étagent de long en large, la peinture envahit la moindre parcelle de la toile. Elle la remplit à l’aide de couleurs vives, fauves. Les traits des grilles sont tracés profondément. Le peintre ne voile pas l’écoulement de la peinture qui semble provenir des entailles faites dans les lignes des grilles. Comme si l’action du couteau provoquait le saignement de la peinture ! Les tableaux de cette espèce sont un combat contre le vide. D’autres, en revanche, sont à l’état de gestation. Ainsi ce tableau où le noir occupe le plus clair de l’espace et qui ressemble à une genèse de la grille. Celle-ci, encore informe, est en effet perdue dans un océan noir. Cette oeuvre est l’une des plus imposantes de l’exposition. D’autre part, l’art de Lasri ne se limite pas aux grilles. Le spectateur sera très agréablement surpris par des monochromes et des portraits. Ces derniers semblent un clin d’oeil aux premiers tableaux cubistes. Ils sont à la fois un hommage au formalisme strict de la sculpture dite nègre et aux tableaux cubistes qui s’en sont inspirés. Dans certains portraits de Lasri, le nez est peint de travers comme dans «Les demoiselles d’Avignon » de Picasso. Il serait toutefois naïf de penser que Lasri se contente de se référer à une période de l’histoire de l’art sans y apporter sa touche. Ses portraits « jamais d’après modèle », comme le précise l’intéressé, s’apprécient aussi indépendamment de la référence au cubisme. Ils s’apprécient surtout par opposition aux grands formats. Alors que les portraits se caractérisent par une économie de la peinture, dans la série des grilles, Lasri montre son talent de coloriste. Il y utilise des « couleurs pures », comme il aime le répéter. La pureté de ces couleurs heurte parfois l’oeil. Les couleurs trop vives de certains tableaux peuvent en apparaître sirupeuses. C’est un choix probablement de la part d’un artiste qui ne cherche pas seulement à séduire. C’est aussi la principale réserve que l’on peut émettre sur cette exposition tonique à tous égards.

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