Culture

Ahmed Maânouni, la magie d’un cinéaste

Ahmed Maânouni aurait pu dormir sur ses lauriers. Il est le premier cinéaste marocain à avoir décroché le ticket d’entrée à Cannes avec son film-culte « Lyam a lyam » sélectionné, figurez-vous bien, en 1978 pour représenter le Maroc sous la rubrique «Un certain Regard». Un grand triomphe national réalisé il y a déjà presque vingt-huit ans, mais que certains, pour une raison ou une autre, ne veulent pas reconnaître. Pour la petite anecdote, le premier film «marocain» à avoir représenté le Royaume à Cannes serait «Othello» pour lequel Orson Welles a reçu la Palme d’Or! Produit certes au Maroc, ce film porte pourtant la signature d’un réalisateur étranger.
Le véritable cinéaste marocain à avoir conquis le Festival de Cannes reste donc Ahmed Maânouni. Mais passons, ce n’était que partie remise. Quatre ans plus tard, M. Maânouni refait un nouveau grand coup de maître avec son film atypique «Transes» (Al Hal). Un véritable chef-d’œuvre sur la remarquable épopée de «Nass El Ghiwane», qualifiés par le grand réalisateur américain Martin Scorsese de «Rolling Stones de l’Afrique».
Lors du 5ème Festival international du film de Marrakech, l’auteur de «Taxi-Driver» a d’ailleurs dit avoir découvert «Nass El Ghiwane» grâce au film «Al Hal» d’Ahmed Maânouni. «J’ai été très heureux que Martin Scorsese ait fait référence à mon film Transes pour découvrir le phénomène Nass El Ghiwane», se réjouit M. Maânouni. Le succès incontesté de ce film, le réalisateur marocain veut l’expliquer par le choix du sujet. «La réussite de mon film tient sûrement à Nass El Ghiwane», un phénomène populaire qui a remué au Maroc mais aussi et parfois dans d’autres contrées de la planète. Au-delà de la fiction, le documentaire reste le fond de tasse du cinéaste.
M. Maânouni a été sollicité par les chaînes de télévision les plus prestigieuses du monde pour réaliser des films-documentaires. Parmi les pays où il a pris du service, figurent en premier lieu la France, puis la Belgique, sans oublier des pays du Golfe, notamment le Koweït pour lequel il a réalisé une série-documentaire intitulée «Les yeux du Golfe». Dans ce documentaire, produit par le réalisateur tunisien Réda Al Bahi, M. Maânouni évoque l’intrusion de la vidéo dans la société traditionnelle du Koweït. Ayant vécu souvent loin du Maroc, M. Maânouni a toujours gardé une place privilégiée pour le pays de ses racines. «On n’oublie pas le pays où l’on est né», souligne-t-il. C’est ainsi que dès le début des années quatre-vingt-dix, «je me suis intéressé, relate-t-il, à l’histoire du Maroc».
À cette époque, il réalise un film-documentaire qui fit date : «Le goumier marocain». Par ce film, qui procède d’un «devoir de mémoire», M. Maânouni a voulu attirer l’attention des Européens sur le rôle fondamental qu’avaient joué les soldats marocains dans la libération d’une grande partie de l’Europe. À partir de ce film, M. Maânouni s’est fait connaître comme un spécialiste de cette question. Maintenant, il vient de récidiver en se penchant cette fois sur le cinquantenaire de l’Indépendance du Royaume du Maroc. Il vient d’achever d’ailleurs un film documentaire sur les 50 ans d’Indépendance au Maroc, produit pour le compte de 2M avec le soutien du service de coopération culturelle de l’ambassade de France à Rabat.
À titre d’information, ce film sera projeté lundi soir (19 heures) au Théâtre national Mohammed V de Rabat, en présence de plusieurs figures marquantes de la politique dont des ministres. Et ce n’est pas tout, M. Maânouni est en train de mettre les dernières touches à son nouveau long-métrage «Les Cœurs brûlés».
Maintenant, d’où M. Maânouni tient tout ce prodige ? Né en 1944 dans le quartier populaire de Derb Soltane, M. Maânouni a révélé sa graine d’artiste dès ses premiers jours. Issu d’une famille modeste, il a dû travailler ferme pour cimenter son talent. Pendant son lycée, il intègre le Conservatoire municipal de Casablanca. Là-bas, il a fait ses premiers pas dans la pratique théâtrale. En plus de sa formation aux techniques de la scène, il se met à écrire ses premières pièces de théâtre. « Le premier rendez-vous » est l’intitulé de sa première création qu’il a joué, et fait jouer, au lycée Moulay Abdellah. Par cette pièce, il a révélé un don incontesté pour l’écriture dramatique.
Cette vocation ne tient pas du hasard, c’est une suite logique de « ma boulimie de lecture », explique-t-il. Malgré tout, il aime à se définir comme un simple « scripteur ». Cette double passion, à la fois de l’exercice théâtral et de l’écriture dramatique, prendra le dessus sur des études «formatées » d’économie à l’Université Paris-Dauphine (milieu des années soixante-dix). « Je suis revenu à ma passion première, le théâtre, par mon intégration à l’Université de théâtre de Paris ». Ce fut pour lui l’occasion non seulement de connaître, mais aussi de côtoyer la fine fleur des arts de la scène dans le monde : Jorge Lavelli (metteur en scène), Victor Garcia (auteur dramatique), André Louis Perinetti (metteur en scène), sans oublier ses confrères et néanmoins amis maghrébins, dont Fadel Jaïbi, Mohamed Driss, Hicham Rostom… «Ce fut une époque de bouillonnement culturel très important», dit-il.
Dans le registre de la dramaturgie, il signe un texte théâtral intitulé  «Echo Alpha» qui a été joué au Théâtre de l’Epée de Bois à Paris. Après avoir fourbi ses armes en arts dramatiques, il fait une belle entrée dans l’univers de l’image. «C’est par la pratique quotidienne du théâtre que j’ai été poussé à m’exprimer par les images et les sons», explique-t-il. À ce brillant parcours académique, se conjugue un talent indéniable. Ahmed Maânouni en a à revendre.

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