Culture

Birmanie : la mini-jupe sexy à l’assaut du chaste longyi

© D.R

En pleine promotion de son nouvel album, Chan Chan Clare cite Beyonce et Céline Dion au firmament de ses influences. Mais ce qui inquiète le plus le régime militaire birman ne sont pas les goûts de la jeune femme, ce sont ses mini-jupes. A 22 ans, la longiligne et séduisante chanteuse s’est d’abord fait un nom dans le mannequinat. «Toutes les filles» en Birmanie rêvent de ce métier, assure-t-elle dans sa robe fourreau à paillettes. Mais pas tous les généraux. Les militaires, qui président aux destinées de la Birmanie depuis 1962, ne goûtent guère cette mode venue de l’étranger et qui brise les codes vestimentaires d’une société par ailleurs profondément bouddhiste. «La culture étrangère décadente telle que les vêtements courts est inacceptable dans la société birmane», affirmait récemment le quotidien gouvernemental The New Light of Myanmar. «Les mesures appropriées doivent être prises par chacun et tout le monde pour protéger notre culture». Le longyi, modeste pièce de soie ou de coton qu’hommes et femmes s’enroulent au tour de taille, descend jusqu’au pied et ne suggère rien. Il a conquis ses lettres de noblesse dans le monde grâce à la frêle silhouette d’Aung San Suu Kyi, opposante birmane et lauréate du prix Nobel de la Paix. Et demeure obligatoire pour les étudiants et fonctionnaires. Mais le monolithe se fissure. «De plus en plus de filles aiment porter des mini-jupes. Nous découvrons tous les jours de nouvelles modes. On va sur Internet, on chat et on voit les modes d’Occident et d’Asie», explique Chan Chan dans un anglais facile. «Ces trois dernières années, on a pris confiance (…). Plus personne ne te regarde quand tu te promènes en short, ce n’est plus un problème». Les jeunes filles «se sentent à l’aise en mini-jupe. Elles connaissent les limites et elles ont une confiance en elles à toute épreuve». Un expatrié de Rangoun suggère que le phénomène a débuté en 2005, lorsque la junte a déménagé la capitale à Naypyidaw, une ville construite de toutes pièces à 400 kilomètres au nord de Rangoun, au cœur de la jungle. Débarrassée des rigidités du pouvoir, Rangoun a pu s’épanouir un peu, sous l’influence de la «vague coréenne», un assaut télévisuel, esthétique, musical et vestimentaire venu de Séoul, qui s’est abattu sur la Birmanie comme sur la plupart de ses voisins asiatiques. «Les Sud-Coréennes sont trop belles et trop stylées», s’enthousiasme Chan Chan, qui souligne que mini-jupes, vestes cintrées et autres shorts sont faciles à trouver dans l’ex-capitale. «La mode traditionnelle birmane ne peut rien contre la mode coréenne», confirme la designer Ma May Myo, 34 ans. «Les jeunes filles veulent porter quelque chose de léger, différent, mignon (..). Elles veulent se montrer et en longyi, ce n’est pas possible». La couturière, qui a lancé sa ligne il y a cinq ans, se félicite d’un secteur en plein essor. «On peut voir sur Internet ce qui se passe à l’étranger, ce que font les designers, les dernières modes. C’est plus facile qu’avant». Les espoirs sont certes ténus de voir la Birmanie s’ouvrir sur le plan politique, alors que la junte organise le 7 novembre les premières élections législatives depuis 20 ans. Mais l’immobilisme n’empêchera pas les jupes de raccourcir, estime Aung Naing Oo, analyste birman en exil en Thaïlande. «Je ne pense pas que les militaires puissent concrètement arrêter un phénomène comme celui-là, une invasion culturelle», dit-il. «La nouvelle génération veut quelque chose de différent après avoir été étouffée pendant si longtemps». Certains ont bien essayé de moderniser le longyi. Mais «les gens n’écoutent pas», assure Ma May Myo. «Ils portent les vêtements qu’ils veulent. C’est un moment très intéressant pour la mode en Birmanie».

 Par Rob Bryan (AFP )

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