Culture

«Boughattat», ce monstre de la nuit

© D.R

La paralysie du sommeil ou «Boughattat», dans la culture traditionnelle marocaine, est un phénomène des plus répondus dans le monde, mais reste l’un des plus mystérieux. Selon les cultures, il est assimilé à un démon ou un djinn. Ce trouble touche environ 25% de la population générale du monde. Au Maroc «Boughattat» ou «celui qui recouvre» est une entité très crainte qui vient visiter les nuits des dormeurs pour les empêcher de respirer ou de fuir un danger. «Quand Boughattat m’a attaqué, j’étais éveillée et consciente. J’ai senti un lourd poids sur ma poitrine, comme si une sorte de créature était assise dessus, et je ne pouvais pas bouger», déclare Miriam, une jeune femme qui a déjà vécu cette expérience.
Ce monstre nocturne a pris des proportions telles, que les Marocains lui associent toutes les pathologies et troubles du sommeil. Ainsi de par le monde, les cas de paralysie du sommeil ont été associés à des enlèvements par les extraterrestres et à des apparitions de démons ou de fantômes. Au Japon, il porte l’appellation de «kanashibari» qui signifie «maintenu par une étreinte de fer». En Chine, le phénomène est connu sous le nom de «gui ya chuang» ou le «fantôme qui écrase le dormeur contre le lit». Au Canada, on parle de visite de la vieille sorcière «Ag Rog ou Old Hag». Les Inuits appellent le phénomène «augumangia» en Inupik et «ukomiarik» en Yupik et l’attribuent aux esprits. Au Mexique, c’est la «subida del muerto» en français «mort qui monte dessus». Chez les Turques, c’est «karabasan» qui signifie le «gars noir». En Algérie, on désigne ce phénomène sous le nom de «jedma» ou «cauchemar». Dans les anciennes croyances russes traditionnelles, les symptômes de la paralysie de sommeil ont été attribués à la colère du «Domovoï», un esprit nocturne, punissant les personnes pour mauvais devoir conjugal ou trahison. À l’époque médiévale en Europe, les attaques des victimes de la paralysie de sommeil ont souvent été expliquées par la présence de démons ou de sorcellerie. Par ailleurs, scientifiquement, le phénomène est expliqué comme un état entre le rêve et la réalité. «Dans la phase du sommeil paradoxal (partie du sommeil où se produisent les rêves), le cerveau continue à traiter les songes et libère une matière qui décontracte les muscles afin que le corps arrête de bouger et ainsi l’empêcher de reproduire les gestes du rêve. Or, si le cerveau se réveille avant que le corps ne se soit débarrassé de la substance, le dormeur se retrouve alors dans un état d’hallucination consciente mais incapable de bouger», explique le docteur Hachem Tyal, psychiatre.
C’est justement ce qui est communément appelé «Boughattat». Il se manifeste par une sensation de présence maléfique ou d’étouffement voire de danger ou de mort imminente. Selon le docteur Tyal, «cette variation physiologique entraîne le cerveau à élaborer une attribution à ce qui arrive au corps, d’où les hallucinations». La paralysie du sommeil dure entre quelques secondes et plusieurs minutes mais rarement plus de 10 minutes. La personne revient ensuite spontanément dans son état normal. «L’expérience est choquante et très angoissante», déclare Hachem Tyal et d’ajouter, «étant donné que cet état naturel et normal est très furtif, il est préconisé de rassurer et de l’expliquer aux personnes qui ont en souffert». Ces victimes ressentent, généralement, une certaine réticence à s’endormir à nouveau de peur de revoir paraître leur monstre.
Dormir sur le dos, avoir des horaires de sommeil irréguliers, stress important, changement d’environnement ou encore la lumière ambiante sont les facteurs les plus courants dans les manifestations de la paralysie du sommeil.
Les personnes qui en souffrent fréquemment s’accordent à penser que cet état d’hallucination peut être géré si le dormeur arrive à canaliser sa peur. En effet, ils préconisent dans ces cas de se concentrer sur son rêve et de le troquer contre une situation agréable. «Je peux dire que j’étais un habitué de ce phénomène, surtout pendant mon adolescence. Ma méthode était de ne pas paniquer et ne pas résister et cela passait tout seul», affirme Ahmed, un jeune homme de 26 ans. Ainsi, ce monstre nocturne peut être dompté, si toutefois, ses victimes arrivent à dompter leur peur.


«Boughattat» n’est pas un cauchemar


«Boughttat» en darija, «baghrâr» en berbère et «boutekkay» au nord du royaume. La paralysie du sommeil n’est pas à confondre avec le terme «cauchemar» qui est passé dans le langage courant pour désigner le mauvais rêve. Certains l’utilisent encore en faisant référence à son étymologie «cauquemar» qui viendrait de «caucher» signifiant presser, fouler ou s’accoupler et «mara» désignant un esprit de la nuit. Autres troubles du sommeil comme les terreurs nocturnes ou les attaques de panique sont à écarter des paralysies du sommeil.

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