Culture

Caverne d’Ali Baba à Casablanca

Un proverbe chinois dit : « Il vaut mieux voir une fois que d’entendre cent fois ». Cela est d’autant plus vrai qu’il est difficile de faire tenir dans la trame d’un discours les milliers de pièces qui jonchent le café-théâtre Ethnia. On se croirait dans la caverne d’Ali Baba. Les objets les plus hétéroclites sont rassemblés dans un endroit ouvert au public. De vieilles bicyclettes, des poussettes qui ont dû servir à des bébés qui sont devenus des femmes et des hommes aujourd’hui. Des accordéons des années 30.
Des trombones en bronze. Des phonographes à cylindre, des postes de radio aussi imposant qu’une armoire. Des motos qui ont dû écumer les routes, il y a cinquante ans. Des voitures d’un autre âge. De vieilles affiches, et pour combler le tout : des bahuts qui ont dû renfermer des trésors insoupçonnés. L’endroit où tient ce bric-à-brac se trouve dans un quartier industriel à Casablanca. Un quartier situé près du port où des entrepôts de conteneurs sont éparpillés par-ci, par-là.
Une zone inhabitée que la nuit plonge dans le silence et qui se réveille le jour au bruit des camions à remorque et des grues. Une zone comme il y en a tant d’autres dans toutes les métropoles du monde. « Ici, nous sommes au moins sûrs que personne ne se plaindra du bruit que nous faisons la nuit », dit en riant Salem. B, l’un des concepteurs du projet. La musique que diffusent de puissants baffles sert de guide aux gens qui visitent pour la première fois ce lieu. Ils découvrent un immense hangar de 1600 m2 avec des podiums, une scène, une régie, une salle d’exposition et surtout à côté, au-dessus et devant : des objets kitsch et des antiquités.
L’idée de ce café-théâtre est née de la rencontre de deux hommes. Le premier, Salem B., est à la fois accessoiriste, antiquaire et brocanteur. Le second, Jean-Luc Guerin, est technicien de son et de lumière.
Le hangar servait d’entrepôt à des accessoires pour le tournage de films d’époque. « Je possède des objets et Jean-luc maîtrise la lumière. Une lumière posée avec art sur une pièce crée une ambiance », dit Salem. B. S’il y a une chose qui rend atypique, hors-norme, inclassable et décalé ce café-théâtre, c’est bien l’ambiance qui y règne. Que l’on aime ou non, on doit admettre que ce n’est pas tous les jours que l’on voit un espace pareil. Un espace où des objets fonctionnels et décoratifs, allant de la petite cuillère jusqu’à la Mustang, suggèrent le décor dans lequel ont évolué des personnes il y a cinquante ans, voire plus. Ce cadre atypique fait presque oublier que des activités artistiques y ont lieu tous les soirs jusqu’à 4 heures du matin. Des défilés de mode, des chanteurs, des gnawas, et non des moindres puisque Mahmoud Guinea s’y produit. Noor y danse et les Djumbés de Dar El Beida donnent une résonance africaine aux nuits de Casablanca. « Notre volonté est de permettre aux jeunes talents de trouver un espace pour s’exprimer. Si l’endroit est hors-norme, la qualité de la programmation doit être à l’unisson de l’espace », dit Jean-Luc Guerin. A cet égard, les deux fondateurs du café-théâtre Ethnia affirment vouloir constituer un pôle culturel important à Casablanca. Ils veulent aussi attirer des touristes étrangers dans cet espace. L’idée est bonne et peut être fructueuse dans une ville où il existe peu d’attractions qui étonnent par leur originalité. Mais ce qui constitue la richesse du lieu, c’est-à-dire ces milliers de pièces exposées au regard de tous, peut comporter un revers cinglant. Vouloir ajouter une touche exotique à ce qui est déjà surchargé à l’excès peut transformer l’endroit en lieu de tapage et d’événements tape-à-l’oeil. En égorgeant, par exemple, un mouton au son des crotales des gnawas, les responsables sacrifient plus au sensationnel qu’à l’authentique.
Au reste, l’expérience du café-théâtre Ethnia a déjà eu lieu, l’année dernière, au site des potiers à Salé. Il est vrai que l’endroit n’a absolument rien à voir avec celui de Casablanca. Il est aussi vrai, comme le précise Jean-Luc Guerin, que cette aventure a été réfléchie de façon à prendre fin avec le mois de Ramadan. Mais on peut s’interroger sur la durabilité de cet espace. Cela dépend des autorités répond Salem. B. Son associé dit : « nous espérons prolonger cette expérience mais de façon moins régulière ». En attendant, l’heure est à la fête. Une fête si pétillante, si étonnante, qu’elle mérite qu’on s’y invite pour y croire.

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