Culture

Hadraoui, la voie d’un choix

ALM : D’où est-ce qu’il vous est venu votre intérêt pour le Malhoune ?
Touria Hadraoui : C’est une question à laquelle il m’est très difficile de répondre. Je pense qu’il s’agit moins d’un intérêt intellectuel que d’une rencontre. D’abord celle d’un maître du Malhoune : hadj Benmoussa. J’étais toutefois prête pour cette rencontre, j’avais la maturité requise pour être sensible au message du Malhoune. Certes, je chantais avant, mais non pas en professionnelle. J’étais en attente d’un répertoire qui m’aiderait à franchir le pas en m’émerveillant. C’est dans ce sens que ma rencontre avec hadj Moussa a été décisive. Dès qu’il m’a soumis des textes, j’ai compris que ce genre était pour moi, et j’ai commencé à l’apprendre et à le chanter. Cela dit, ma rencontre avec le Malhoune, de même que ma passion pour ce genre, demeurent mystérieuses.
Pourquoi est-ce votre genre ? Qu’est-ce que vous y avez trouvé de particulier ?
D’abord une grande poésie. Une composition à la fois sobre et élevée. Beaucoup de choses que j’ai du mal à énoncer, parce qu’elles ont partie liée avec mon affect. Le Malhoune représente ce que j’aime du Maroc. C’est le Maroc profond. On trouve dans ce genre les racines du pays. Moi, j’avais envie de chanter quelque chose de marocain, un genre qui puisse évoquer le pays dans ce qu’il a de plus riche et de plus authentique.
La décision de chanter le Malhoune a été facile ?
Non ! Cela n’a pas été facile, parce qu’il fallait d’abord l’apprendre. Il a fallu des années d’apprentissage pour chanter ce répertoire. Certes, je chantais autre chose et jouais du luth, mais le passage au Malhoune a nécessité un apprentissage laborieux. J’ai été aidé en cela par le fait que j’ai grandi avec le rêve d’être chanteuse. Quand j’ai maîtrisé le chant et que j’ai joué sur scène, en vérité, je ne gambergeais pas sur un éventuel succès. D’ailleurs, les gens appréhendaient de très haut le Malhoune, jugé comme un genre mineur. Et l’on me regardait comme une hurluberlue. Moi, j’y croyais, et passé le moment de surprise, j’ai eu beaucoup de succès. J’ai été très surprise par ce succès auquel je ne m’attendais pas. Quand on a la passion de quelque chose et qu’on y croit, on finit tôt ou tard par rendre contagieux l’objet de notre passion à autrui.
Vous ne pensez pas que votre succès doit aussi au fait que vous êtes une femme qui chante du Malhoune ?
Certainement, mais pas seulement! Parce qu’il ne suffit pas d’être femme… encore faut-il savoir chanter le Malhoune. Autrement le public ne va pas vous suivre. Plusieurs facteurs interviennent dans ce succès. Il y a certes le fait que je suis une femme, une femme convaincue par ce qu’elle fait, une femme moderne interprétant un genre musical réputé traditionnel. En plus, ce qui m’a motivée pour chanter le Malhoune a parlé aux gens. Ils se sont reconnus dans la poésie du Malhoune.
Vous êtes passée maintenant à un autre genre, la ala, où il n’existe pratiquement pas de voix féminine…
Et pas seulement cela, mais aussi le fait d’interpréter en solo un répertoire qui se chante à plusieurs voix. Ce que je peux dire, c’est que j’avance et que je suis en quête de quelque chose. C’est pour cela qu’il m’est difficile d’en parler, parce que je ne connais pas l’objet de cette quête. Avec tout ce que j’ai pu vous dire, je suis venue au Malhoune parce que de nombreuses choses dans ma vie m’y ont conduite. J’y suis et j’avance encore. Je marche ! J’ai réussi dans le Malhoune et je n’aimerais pas vivre sur mes acquis. Il faut que je m’essaie à d’autres genres. J’aime la découverte et l’émerveillement qui sont le moteur de ma quête. Et en plus, ma voix va s’essayer à de nouvelles gammes. La ala me permet d’exprimer mes capacités vocales.
Où est-ce que vous vous retrouvez le plus. Est-ce dans le Malhoune ou dans la ala ?
Mon rapport avec Al Andaloussi est récent, tandis que la relation qui me lie au Malhoune remonte à 1988. Le Malhoune parle à mes tréfonds, et même quand je l’interprète à l’étranger, en présence de personnes qui ne saisissent pas la teneur de mes propos, je sens qu’elles sont touchées par la grâce du Malhoune. Avec la ala, je n’ai pas encore ce rapport passionné qui me lie au Malhoune. En plus, comme l’Andaloussi est très technique et requiert la cérébralité, je pense que ma relation avec lui demeurera plus ou moins raisonnable, et ne peut atteindre ce dont j’ai du mal à parler concernant ma passion pour le Malhoune. Je suis incapable de définir le mystère de ma relation au Malhoune, c’est de l’ordre de l’insaisissable. Quand je chante le Malhoune à la maison et que je suis seule, il m’arrive souvent de pleurer. L’émotion me prend de la plante des pieds jusqu’aux cheveux… Et comme dans toutes les choses dont on a du mal à pénétrer le mystère, sa magie agit toujours, parce qu’elle est insondable.

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