Culture

Je me constitue prisonnier

Indigné par l’affaire dite des ‘’musiciens satanistes » dont certains journaux se sont fait l’écho avec délectation et afin de faire des économies »de frais d’enquête » à mon pauvre pays, j’ai décidé de me constituer prisonnier car, me semble t-il, vers la fin des années soixante dix, photos à l’appui, j’ai dû jouer du blues, du rock, du jazz, mais aussi, je passe aux aveux, du hard rock. Il m’arrive même quelques fois de gratter une guitare et je possède dangereusement, en ce moment, au moins un t-shirt noir dans mon placard.
Je me constitue prisonnier car on m’a appris que, quand la véritable foi est là, la suspension recule, et on n’a pas peur pour sa moralité ni du noir Deep Purple ou du rouge Hmadchi, ni du chiffre 13 ou de la racine carrée de Pi.
Je me constitue prisonnier parce que, concernant les libertés individuelles, certains de nos responsables affichent une frilosité et un attentisme paralysant.
Je me constitue prisonnier pour réagir contre une haine au vitriol et contre l’incurie de certains milieux « invisibles », de ne plus en plus indéfinissables en tout cas, et qui minent l’espoir dans notre jeune pays. Je me constitue prisonnier pour contribuer modestement à la sauvegarde des premiers balbutiements de la démocratie dans mon pays.
Je me constitue prisonnier pour que notre dignité ne soit plus dépecée sans vergogne.
Je me constitue prisonnier parce que j’ai peur pour mon fils unique et nouveau né.
Veut-on livrer en pâture la société civile aux obscurantistes dans le but malsain de dévoyer les termes du débat ?
Cherche t-on à sonder socialement l’intérêt que portent les marocains à la préservation de leurs libertés personnelles pour ouvrir la voie à des lois plus respectives ?
Mon pays est unifié et notre monarchie est unanimement acceptée : c’est une institution qui peut servir de pivot aux réformes.
S.M. le Roi Mohamed VI entreprend avec sincérité ces réformes, alors que d’autres, en son nom, prennent des décisions relevant de l’obscurantisme le plus absolu.
Mon cri de colère ne vise pas à participer à la cacophonie ambiante, il a comme seule ambition d’engager un débat serein relatif au choc annoncé des civilisations et des peuples. La tolérance prônée en filigrane par notre « politique générale » ne peut souffrir de rester à l’état de façade. Elle est notre passeport pour conquérir le monde.
Parce que d’autres marocains célèbres et inconnus, au détriment de leurs intérêts et au péril de leur vie, l’ont « fait » bien avant moi, je me constitue prisonnier en pleine maîtrise de mes facultés physiques et intellectuelles.

• Dr Jalil Berrada
orthodontiste

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