Culture

Le destin d’un artisan

© D.R

Une ruelle dans la médina de Fès, là où le cuivre est roi, est le décor du roman d’Ahmed Tazi, paru aux éditions La Croisée des Chemins. Une ruelle à l’image du Maroc durant les quelques dernières décennies : Bouillonnante lors de la lutte pour l’indépendance, frémissante de bonheur après l’obtention de celle-ci, grouillante d’activité après la reprise du travail pour redevenir prospère, comme elle l’a toujours été dans le passé. Tahar, personnage principal de ce roman essaie de survivre. Nostalgique, il ne cesse de se remémorer les années fastes, durant lesquelles son activité, la dinanderie, était florissante. Une époque où son père, homme prodige, était connu pour les grandes réceptions qu’il offrait régulièrement. Ces souvenirs, et d’autres concernant son mariage avec Habiba la dévote, l’assaillent continuellement. Une manière pour cet artisan qui arrive difficilement à joindre les deux bouts et de fuir un quotidien de plus en plus pesant. La rue du cuivre, jadis plaque-tournante du commerce fassi, a perdu de son attrait. Le travail artisanal, fin, béni par Le Bon Dieu n’a plus aucune valeur, du moins marchande. Ainsi, Tahar côtoie tous les jours des artisans trouvant toutes les peines du monde à joindre les deux bouts. Ils se trouvent tous à la merci d’une poignée de marchands, sans scrupules. Mais la Révolution du Roi et du Peuple, commencée le 20 août 1953 allait chambouler cet état de fait. La rue du cuivre, comme toutes les ruelles de la médina de Fès, de tout le Maroc, a vu son équilibre s’effondrer. Ces artisans n’allaient pas échapper à la répression des autorités françaises. Même des écoliers comme Abdelkarim, fils aîné de Tahar, n’étaient pas épargnés. Malgré ces événements qui ont marqué tout un peuple, Tahar, simple artiste qu’il était, a réussi a gardé sa vie privée à l’écart de ces bouleversements. Mais cet équilibre fragile allait s’effondrer du jour au lendemain. A la suite d’une fausse manipulation, il perdit ses doigts, «ses plus précieux auxiliaires pour le maniement des instruments de son métier». Sa main d’artiste qui n’avait pas d’égal dans le maniement du burin et du marteau s’est vite transformée en un moignon. Amoureux du cuivre, cet artisan a trouvé de très grandes difficultés pour se remettre de cette tragédie. Il y est pourtant arrivé, avec l’aide d’un ami, Benmoussa, argentier de son état en montant une petite fabrique. Et Tahar se retrouve petit patron, lui qui a toujours méprisé les comportements de ses semblables, enclins à ruiner les petits artisans. Mais voilà, cette nouvelle vie ne le comble pas beaucoup. Il s’est mis alors à la recherche de nouveaux repères et de nouvelle expérience, notamment cette pseudo-passion qu’il éprouve pour la femme d’un autre, et qui le perdra. Tahar trouva la mort quelque temps par la suite dans un accident de la circulation. L’auteur de « La rue du cuivre » se veut ainsi un fidèle rapporteur d’une époque faste de l’histoire de notre pays, mais surtout de notre artisanat. Derrière ce livre, la ville de Fès, impériale, majestueuse, se dresse comme toile de fond.

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