Le vent fripon

Le festival de Fès des musiques sacrées du monde a eu un ennemi de taille : le froid glacial. Les manifestations les plus importantes avaient lieu à Bab Makina. Naguère, cet espace constituait l’accès principal au Palais Royal. Sous forme d’une longue allée, très large, ce «méchouar » accueillait les cérémonies officielles. L’espace est très bien choisi pour recevoir près de 5000 personnes. Seulement les murs qui l’entourent n’abritent pas du tout du vent. Et pendant toutes les soirées du festival, il a fait un froid de canard et de loup rassemblés. L’un de ces froids, en provenance des montagnes, qui gèlent le sang et paralysent les membres. Sans exagération, il a gâché la fête. Plusieurs personnes non averties n’ont pas pu résister plus d’un demi-heure avant de quitter les lieux. Celles qui ont l’habitude d’assister aux spectacles étaient habillées comme pour une randonnée en Sibérie. Manteaux, capes, et écharpes autour de la tête.
Les femmes qui ont l’habitude de venir savaient qu’il se sert à rien de se coiffer les cheveux. Un foulard chaud est leur meilleur complice Le vent allait de toute manière défaire l’oeuvre du coiffeur le mieux inspiré de la planète.
La soirée de Sabah Fakhri a attiré de nombreuses personnes qui n’avaient pas l’habitude d’être là. Les hommes étaient en chemises à manches courtes, les femmes en robes de soirées, superbement coiffées.
Le vent n’allait pas tarder à devenir le sujet de conversation de tous. Inutile de remettre une mèche en place, puisque c’est toutes les mèches qui volaient dans tous les sens. Les hommes galants ont prêté leurs vestes à leurs compagnes en claquant des dents. Certains ont passé leur temps à applaudir : tous les moyens sont bons pour se réchauffer sans perdre tout à fait la face. Ce froid a fait d’ailleurs naître un sentiment de solidarité générale.
Certains ont partagé avec leur voisin une cape ou un manteau. Une seule personne s’est réjouie du temps qu’il fait : un vendeur de capes. La soirée du concert de Fakhri, il ne restait pas un seul article dans sa boutique, aménagée à l’entrée de Bab makina.