Culture

L’Espagne rend hommage à Goytisolo

© D.R

Serait-ce le début de la réconciliation entre Juan Goytisolo et son pays natal? Traité pendant longtemps de «gigolo international», ou même de «terroriste», pour avoir tout simplement revendiqué et assumé sa double culture arabo-espagnole, le voilà qui retrouve grâce aux yeux du pays qui lui a donné le jour. Ce grand écrivain se trouve actuellement à Barcelone pour présenter le premier volume de son œuvre complète, dont la publication a été récemment initiée par l’Association « Il Circulo des lectores » (Le Cercle des lecteurs). Initiative symboliquement aussi forte qu’elle émane d’une association originaire de la ville où l’écrivain a vu le jour, en l’occurrence Barcelone. Mais cette initiative intervient également à un moment où «l’écrivain maudit» recouvre la place qui lui revient dans le select-club des grands auteurs espagnols. La sortie en Espagne de son œuvre complète va enfin permettre à ses compatriotes de connaître eux-mêmes le vrai Juan Goytisolo, en dehors du schéma réducteur dessiné et longtemps entretenu par une certaine «critique littéraire espagnole» qui voyait d’un mauvais œil la passion, voire l’admiration, que J. Goytisolo a toujours témoignée à l’égard de son pays d’adoption : le Maroc. On se souvient avec amertume des attaques aussi haineuses qu’injustifiées que ses deux romans-culte «Makbara » (Cimetière) et « Don Julien » avaient suscitées en Espagne. L’auteur avait été livré en pâture à la vindicte publique espagnole pour avoir naturellement rappelé dans « Makbara » que la culture arabe est partie intégrante et indivisible du patrimoine civilisationnel de l’Espagne, pour avoir aussi appelé son pays à reconnaître la « diversité comme élément constructeur de l’identité et de la culture espagnole », ce qui n’a pas plu aux nostalgiques du franquisme. Pas plus que ne leur a plu le réquisitoire que J. Goytisolo avait dressé, dans son roman « Don Julien », d’une Espagne dominée par le national-catholicisme, de l’époque des Rois catholiques à aujourd’hui, en passant évidemment par l’époque franquiste. Dans ce roman, présenté comme un « livre de trahison », J. Goytisolo démystifie le repli identitaire et plus gravement le nombrilisme d’une Espagne aveuglée par le nationalisme.
Juan Goytisolo n’y est pas allé de main morte. Imperméable aux attaques à la limite de la diffamation, aux « bordées d’injures » qu’il a injustement essuyées, il est resté un critique acéré de la dérive nationaliste de l’Espagne. A Marrakech, où il préfère rester en contact direct avec des gens simples, il aura même envisagé de couper le cordon ombilical avec sa terre natale. Les tentatives de « récupération » entreprises dans son pays  ont quasi-totalement échoué, sachant bien que le seul prix que l’écrivain ait accepté de recevoir reste celui que lui a décerné l’an dernier la région d’Extremadura située à la frontière entre l’Espagne et le Portugal. L’auteur a justifié son acte par le fait que ce prix venait de la communauté la plus pauvre de l’Espagne.
Aujourd’hui, les temps semblent avoir tourné en faveur de la réconciliation. En plus de la publication du premier volume de son œuvre complète, la première chaîne de télévision espagnole TVE a financé et diffusé un film-documentaire sur le parcours atypique du grand écrivain. Intitulé « Esta mi tierra », ce film réalisé par Martinez de Blas se présente comme un voyage à travers trois étapes principales dans la vie de Goytisolo : Barcelone, où il vit le jour, Tanger, où il redécouvre l’histoire de l’Espagne, et Marrakech, qui symbolise à ses yeux l’espace par excellence du métissage (mudejar) culturel. Avec ce film, qui sera diffusé en avant-première le 21 novembre à Marrakech, c’est le regard de Goytisolo sur le Maroc qui nous est proposé. Un regard plutôt admiratif d’un pays où, pour l’écrivain, mythe et réalité se tutoient dans une parfaite complicité.

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