Culture

Ligamania : une passion nommée foot espagnol

© D.R

S’agit-il d’un nouveau must pour les Marocains? La passion du football espagnol, jadis implantée uniquement dans le nord du Royaume, prend aujourd’hui un rythme et une ampleur qui ne doit pas laisser indifférent. Le Maroc compte aujourd’hui peut-être plus de fans pour les matches de la Liga espagnole -première division du football espagnol-, que pour les derbies d’un championnat national qui a les boulets aux pieds. Rien ni personne ne résiste plus à l’attrait des matches de cette Liga, c’est une réalité qui crève aujourd’hui l’écran.
Un match entre le FC Barcelone et le Real de Madrid draine plus de foules qu’il n’y en a sur les gradins d’un stade national, au gré de l’audimètre mais aussi et surtout des cafés qui y ont trouvé un véritable filon pour doper leurs chiffres d’affaires. Pour s’en rendre compte, il suffit de faire un petit tour du côté des cafés tangérois. Les cafés les plus fréquentés par les férus se trouvent dans les quartiers populaires : Dchar Bendibane, Bni Mekada, Petit Socco… Même des cafés plus branchés, situés dans le centre de la ville du détroit, ont épousé l’ère du temps et diffusent en direct les matches de la Liga, l’objectif étant de combler une passion qui gagne de jour en jour du terrain.
Ces cafés, et bien d’autres, font le plein de clients les mercredi, samedi et dimanche, les jours où se jouent les matches de première division espagnole. Jeudi 1er mars, le temps semblait s’être arrêté au point que les Tangérois ne parlaient que du match qui avait opposé, la vielle, le FC Barcelone et Zaragoza et qui s’est soldé par un score de deux buts en faveur du club catalan. Abdelbarae, un jeune «barcelonista» (fan du FC Barcelone), n’a pas tari d’éloges sur son équipe favorite. «Le Barça, c’est l’équipe des grands», a-t-il renchéri, avant de clamer haut et fort: «Visco Barça» (Vive le Barça, en catalan). Ce club, vieux de 105 ans, est très idolâtré à Tanger comme dans les autres villes du Royaume.
L’image de ce jeune Marocain un peu trop enthousiaste en train de courir sur le terrain où se jouait, au mois d’avril 2006, un match entre ce club et le Real de Madrid pour serrer la main de son idole Ronaldinho restera peut-être inoubliable. Cette image traduit un degré d’appréciation, voire d’admiration, inégalé pour un club qui a réussi à séduire des milliers de Marocains. Le déplacement fait à Tanger en 2006 par le jeune président de ce club, Joan Laporta, était dicté par la nécessité de sceller un très vieux pacte d’amitié. Ce jeune quadra était justement venu présider la création d’un fan club du « Barça ».
Depuis cette mémorable visite, les supporters se joignent par dizaines à ce groupement fondé dans l’objectif de créer des rapports étroits avec le club catalan, d’initier des échanges culturels et d’organiser des visites guidées chez ce club au profit de ses supporters. Le Real de Madrid vient certes en deuxième position, mais il n’en garde pas moins de prestige sur les mordus du ballon rond. Le président de ce club, Florentino Perez, n’a pas manqué de faire le déplacement à Rabat en mai 2005 pour patronner la création du fan club du Real de Madrid, dont les membres étaient alors estimés à 2000.
Décidément, la concurrence entre les deux plus grands clubs espagnols, le FC de Barcelone et le Real de Madrid, ne se livre pas que sur le terrain espagnol. Conscients de l’intérêt considérable que les Marocains leur attachent, ces deux clubs ont trouvé dans le pays voisin un champ de grande prédilection pour livrer une bataille qui va, parfois, au-delà de sa simple dimension sportive. Connus pour être deux grands machines à sous, les deux clubs essayent d’exploiter le filon de la «ligamania» pour écouler leurs marchandises. Echarpes, fanions, maillots, godasses et autres symboles portant leurs signatures inondent aujourd’hui le marché national.
Les fans, eux, n’hésitent pas à faire acte de prosélytisme. Pas plus que les propriétaires de cafés qui ne rechignent plus à afficher leurs couleurs. A Tanger, ou à Tétouan, pour rester dans la sphère nordique, on peut trouver un «café Barça» avoisinant un autre qui se revendique du Real de Madrid.
Au-delà des cafés, c’est le rapport entre les membres d’une même famille qui est en jeu. Un derby entre les deux clubs catalan et madrilène peut être, parfois, à l’origine de « différends» entre un mari pro-Barça et une épouse pro-Real Madrid, ou vice-versa. Il faut y voir l’effet de la passion, qui peut atteindre parfois le stade de l’idolâtrie. Mais passons, qu’est-ce qui serait à l’origine de cet intérêt phénoménal que portent au football espagnol les Marocains, et plus particulièrement les concitoyens du nord ? Abdelmajid Chahboun, un confrère de l’Agence Maghreb Arabe Presse (MAP), originaire de Tanger, invoque plusieurs raisons. Pour lui, il y a d’abord le facteur temps. «La passion du football espagnol est une réalité qui s’est installée depuis les années quarante et jusqu’aux années soixante, en raison de la présence du colon espagnol dans le nord du Royaume. Dans les années soixante-dix, poursuit-il, elle s’est développée au point d’avoir donné lieu, parfois, à des accrochages entre les différents supporters».
Autre raison, M. Chahboun évoque la proximité géographique de l’Espagne. «Les villes du Nord sont plus au fait de ce qui se passe en Espagne. Le football fait partie des sujets de prédilection pour les gens du nord», certifie-t-il. «Aujourd’hui, cette passion, même si elle est encore plus forte dans le nord, n’est plus l’apanage des Tangérois ou des Tétouanais. Elle s’est élargie même aux villes du sud du Royaume. L’essor du champ audiovisuel y serait pour quelque chose», explique-t-il.
Un effet de boule de neige qui ne doit pas passer inaperçu. D’autant plus que le football national n’affiche surtout pas un bon état de santé.

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