Culture

Mode : soleil, sable et string

© D.R

 Humeur

Un homme qui n’aime pas les strings, ça existe, j’en suis un ! Depuis qu’un jour j’ai confié ça à mes amis, ils me regardent comme un ennemi, un traître ! Un homme qui n’aime pas que les femmes portent des strings, c’est suspect… De là à ne pas aimer les femmes en général parce qu’elles sont toutes suspectes d’en porter un, il n’y a qu’un pas. Alors forcément, on est sommé de s’expliquer même si au fond, personne n’a vraiment envie d’entendre votre argumentation.
Heureusement qu’un journaliste est finalement venu me poser la question. La première chose qui me dérange dans le string, c’est sa dimension anti-érotique même si a priori, les strings sont réputés hyper-sexy. Des fesses nues, une simple ficelle entre elles pour faire tenir le tout, un triangle de tissu par devant au nom du strict minimum de pudeur, à mon avis le charme est rompu dès qu’il n’y a plus rien ou presque à dévoiler au moment secret… Sans oublier le caractère sexuellement agressif d’un string révélé par un pantalon taille basse, pour peu que celle qui le porte se penche ou se déhanche. Entre invitation à la découverte (voire plus si affinités) et proclamation quasi militante d’un bien-être strictement personnel, on en est le plus souvent réduit à fantasmer. Mais comment résister à ces images de plages brésiliennes où le string s’est imposé comme modèle d’érotisme démocratisé ?
Moi, si je serais les Brésiliennes, je défendrais le string comme attribut réservé. Parce que trop de strings tue le string, il serait temps de l’affirmer.

• B.H.


String bijou, papillon, cœur rouge, à bracelet, string pendant ou string Tanga.  La mode n’est pas prête à s’estomper; elle a même pris de la vigueur avec les fortes chaleurs du mois de juillet. Du côté des boutiques de luxe qui bordent les trottoirs des avenues Zerktouni et  Al Massira, c’est plutôt le sourire qui prévaut. Pour cause les affaires marchent bien. «Nous vendons de plus en plus de strings» nous rétorque la gérante de Style de Vie, un magasin philippin qui réserve une large partie de ses rayons à la lingerie féminine.
Mais, s’empresse-t-elle de préciser, «la mode change. Que cela soit pour le bikini ou le string, les goûts des consommateurs sont très volatiles entre la soie, la dentelle, le coton et, il faut le dire, le polyester». Les prix sont également très volatiles. De 5 à 10 dirhams quand on est dans le souk de Bab Sebta, à 2500 dirhams dans le Triangle d’Or de Casablanca. Entre les deux extrêmes, le risque de  contrefaçon est difficilement maîtrisable.
Entre les deux aussi, une même cordelette séparant les muscles fessiers, mais un style différent, une griffe qui fait la différence. «Les plus chers sont signés souvent Roberto Cavalli ou Dolce & Gabbana»,  explique Fettouma Lotfi, une jeune femme qui tient boutique dans une villa du quartier Bourgogne et qui connaît bien la lingerie : «les femmes rentrent chez moi habillées et ressortent nues», lance-t-elle entre deux explications sur les tendances du moment. «Bien sûr, la canicule aidant nous vendons beaucoup de petites choses, mais aussi de plus en plus de femmes optent pour la mode islamiste». A titre d’information, le foulard Dolce & Gabbana, réagissant à la loi de l’offre et de la demande, se négocie désormais au dessus des 500 dirhams. Nettement au-dessus de la moyenne des strings.
Pourquoi donc porte-t-on le string? Pour Ahlam, 25 ans, cadre dans une boîte de Communication, «le string évoque et entretient les attributs de la féminité. Cela exhibe tout le charme du corps féminin, en mettant en valeur son physique». Mais, précise-t-elle, «je n’en porte pas parce que ce n’est pas tout simplement confortable». Porter ou non un string revient à faire un arbitrage essentiel entre la séduction et le confort. 
Des origines de cette mode, on vous épargnera les mille et une légendes qui circulent. Il semble toutefois qu’au Maroc, sur la base des informations recueillies auprès des vendeurs, que le string soit dans les mœurs depuis le début des années 80, soit cinq à dix ans avant que le petit monstre n’apparaisse dans les collections françaises de lingerie. «L’apparition des pantalons taille basse, la mode du piercing, le tatouage  et la télévision numérique», ont sorti la plus fine des culottes au grand jour. Les Marocaines ont résolument pris fait et cause pour le string», affirme cette vendeuse.
Pour refaire son retard, le bikini importé se décline désormais comme les crèmes glaces sous plusieurs tons et plusieurs parfums : framboise, orange, vanille. Mise en vente par les grandes marques, cette trouvaille est généreusement copiée et revendue dans les souks à moins de 50 dirhams.
Pourtant malgré son caractère populaire, le string est souvent décrié par les féministes. Qu’en pensent les marocaines ? Amal Latrache,  ne fait montre d’aucune objection : «porter le string oui, mais le montrer, l’exhiber en public  ne m’intéresse pas», lance la  célèbre actrice de la série Lalla Fatima. Plus attirée par les strings en coton, et pas du tout liée aux marques, cette jeune femme explique le phénomène du string par le dictat de la mode. peut-être l’année prochaine, ce sera au tour de la culotte de reprendre son droit, pour peu qu’une star américaine en donne l’exemple. Porter le string en public, «j’en pense rien, chacun est libre de faire ce qu’il veut», s’exclame l’actrice Noria Skalli. Et d’ajouter : «je suis entièrement pour la liberté d’expression, y compris pour la liberté d’expression corporelle». En revanche, poursuit-elle, «je suis contre l’intolérance sous toutes ses formes. Les femmes voilées de la tête aux chevilles me font plus peur que les filles qui portent le string».
Bref, si dans le Maroc d’aujourd’hui, la vue d’un string provoque moins d’émoi que la cheville d’une femme dans les années 60, il n’en demeure pas que la cadette de la lingerie garde toujours intacte sa charge d’émotion et de passions. Par ironie du sort, explique la patronne de la boutique Label (Bourgogne), «au début le string a été conçu par souci de discrétion. le string permet de porter un pantalon moulant sans avoir à craindre que la forme de ce qu’on porte en dessous ne vienne se graver sur les fesses». C’est le grand handicap de la culotte. Seulement, poursuit-elle, «il y a vingt ans, la discrétion était une valeur, aujourd’hui, l’exhibition en est une. Montrer ce qu’on porte est un signe de liberté, n’en déplaise aux féministes qui crient au loup et à la femme-objet». L’arrivée tonitruante des taille-basse,  a émancipé le string.
En même temps, une sorte d’évolution s’est faite dans les mœurs. Ils sont de plus en plus nombreux à penser aujourd’hui que le string participe de l’affirmation de soi.   Mais Pourquoi pas l’affirmation de soi conjuguée au masculin ? Si beaucoup d’hommes écartent d’emblée l’usage du string, chez certaines boutiques on voit nettement quelques spécimens dédiés aux mâles.
Ce succès rencontré par le string tire à la hausse toute l’industrie de la lingerie féminine. Au rythme où  vont les choses, les deux seuls ateliers que comptait le Maroc, une fabrique à Rabat et une autre au compte du groupe Triumph à Fès, vont bientôt avoir de la concurrence. Déjà, une petite entreprise «Interlinge», vient d’ouvrir dans la capitale administrative.  De son côté, l’Association marocaine de l’industrie textile a mis en place un projet de formation de techniciens qui seront spécialisés dans la découpe. Qui aurait pu penser que petite et délicate lingerie pouvait faire rouler des mécaniques et créer de l’emploi ?


Les origines du string

Assez paradoxalement, lit-on dans Wikipedia.Org,  le string existait probablement avant la culotte. En effet, son origine, remonte à très loin dans l’histoire. De nombreux peuples primitifs ont porté (et pour certains portent encore) pendant des siècles ce qui pourrait être considéré comme l’ancêtre du string, qui était certes de conception très rudimentaire : une simple bande de tissu dans l’entrejambe reliée à une lien autour de la taille. On rapporte également qu’il fut porté dans des versions un peu plus sophistiquées par des générations entières de danseuses exotiques.
Cependant, il ne connaît ses premiers succès modernes que dans les années 1970, et principalement pour des raisons esthétiques : résoudre le problème de la marque de la culotte visible sous les pantalons serrés que présentaient les mannequins lors de défilés de mode, même si quelques femmes hardies et autres stripteaseuses n’hésitaient pas à en porter également.
Très rapidement, les femmes d’Amérique du Sud, en particulier les Brésiliennes (d’où le « slip brésilien»), vont faire preuve d’un véritable engouement pour ce sous-vêtement, notamment en tant que maillot de bain, et dès 1975, le string fait ses premières apparitions dans les collections de lingerie française.
C’est durant les années 1980 que le style va le plus évoluer, donnant naissance à de nombreuses variantes, dont les tangas, mais sans pour autant parvenir à détrôner les slips et les culottes.
Il faut attendre les années 1990 pour que le string rencontre une certaine notoriété, et qu’il entre totalement dans les mœurs. Depuis le début des années 2000, il est devenu un objet de mode, au point qu’il représente aujourd’hui le plus gros du volume des ventes des sous-vêtements féminins.

Mais c’est quoi le string ?

Pour le dictionnaire Larousse, le string, mot anglais, désigne un slip réduit à un simple cache-sexe, qui laisse les fesses nues. Dans quelques sites Internet, on propose des définitions plus pratiques. Ainsi, ce serait un «filet de pêche»  ou «le seul filet au monde qui peut attraper autant de poissons différents comme une raie, un barbu et même des moules», lit-on dans Crieur.com, adepte des définitions subjectives. 
En tout cas, vu le succès rencontré par ce filet, la culotte n’a plus qu’à aller se rhabiller : elle ne sera pas de la fête sur les plages de cet été 2006.

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