Pauvre femme !

On pensait que cela faisait partie de l’ethnologie de la fin du XIXe et du début du XXe siècles. L’ethnologue Malinowski a consacré de longues pages à l’univers socioculturel des Trobriandais, dont il s’est imprégné entre 1915 et 1918.
Son expérience de scientifique et d’homme de terrain lui a permis d’expliquer pourquoi les gens jetaient en dehors du village les femmes lorsqu’elles avaient leurs menstrues. La femme, être vil et sujet de toutes les souillures, cela s’inscrit dans un archétype dont les avatars persistent dans les religions monothéistes. Pourtant, qui aurait imaginé qu’à l’orée du XXIe siècle, dans un pays musulman, doté de la bombe atomique, cela serait encore possible ? Un jeune homme commet un tort.
Peu importe la nature de son tort et c’est sa soeur que l’on punit. « Le minaret s’effondre, on pend le barbier », dit un proverbe marocain. Mais le barbier en question est imberbe ici. Et pour expier la faute de son frère, la soeur, une adolescente, a été condamnée par un jury tribal à un viol collectif. Non seulement on la punit pour ce qu’elle n’a pas commis, mais encore faut-il qu’elle livre son corps aux assauts de quatre gaillards pakistanais.
Quelle conception de la justice ! Une femme paye à la place d’un homme, et le prix consiste à donner du plaisir à d’autres hommes ! Comme si besoin était de lui enfoncer encore plus dans le crâne et dans le corps l’autorité phallocratique de sa société.
La jeune fille a 18 ans et elle a été violée dans le village de Meerwala, dans la province du Pendjab au Pakistan. Elle a été violée sous le regard d’un millier de voyeurs, tous consentants, y compris les vieux de la tribu qui ont ordonné le supplice. La foule s’est défaite après la fin de l’exhibition. Cette punition est parvenue à la police pakistanaise qui est « en train de prendre des mesures contre les membres du jury », conclut une dépêche de l’AFP.