Culture

Taoufiq Izeddiou : «Un corps de danseur est un corps qui apprend à dire non à l’injustice»

© D.R


ALM : Le festival de danse contemporaine « On marche », en est à sa troisième édition, quels en sont les acquis?
Taoufiq Izeddiou : Nous avons réussi à inviter 9 pays. Le festival est devenu une tradition, un événement très attendu par les citoyens qui se l’approprient.
Nous avons réussi à convaincre les parents d’inscrire leurs enfants, les garçons surtout, dans des cours de danse.
Nous avons pu convaincre les responsables, nos partenaires aussi bien nationaux qu’internationaux de l’importance de ce festival dans un pays comme le nôtre qui aspire au développement et au changement, qui reconnaît et respecte sa culture et celle des autres.  La danse libère et vous donne de l’espoir, ce à quoi aspire notre jeunesse.

Danser c’est mouvoir un corps humain, selon cet accod espace/temps, lequel devient possible grâce à un rythme et une composition chorégraphique. Comment choisis-tu tes rythmes?
Le corps possède son propre rythme. Le silence c’est aussi une musique. Créer une musique pour un corps relève de l’état d’âme du chorégraphe. Si je devais danser le soir même de la disparition de ma mère, ma musique sera triste, chagrineé, et mon corps suivra et sera plein de tensions. Je suis dans la création et la création dépend de l’espace, du temps et de l’instant où je suis en train de réaliser cet acte.

Depuis sa création, le Festival «On marche…» a-t-il réussi à remplir ses objectifs de proximité, d’initiation, d’ouverture sur l’univers de la danse…?
Lorsque j’ai lancé la première édition du festival «On marche», avec l’aide de plusieurs partenaires et d’une équipe de jeunes mordus du monde de l’art en général et de celui de la danse contemporaine en particulier, j’ai décidé de placer cet évènement dans la rue, de façon à ce que toute la population en profite. Nous avons créé des ateliers d’initiation à la danse contemporaine ouverts à toute personne, tout âge confondu, désirant vivre l’expérience d’un corps qui se libère, se laissant bercer par le rythme et découvrant les différentes possibilités du mouvement. C’est une expérience qui a touché, un grand nombre de Marrakchis. Des spectacles de danse ont été donnés à Jamaâ El Fna, notamment les chorégraphies de la Corée du Sud et de la Grèce. C’est un moment fort qui a démontré que les Marocains ont beaucoup de respect pour l’art et la culture et une grande envie d’apprendre.  J’ai aussi enrichi ces rencontres en programmant des projections sur l’univers de la danse, en plus des débats animés par les professionnels de cet art. Je profite de cette occasion pour dire que le débat se prolonge après le festival, par une rencontre avec tous les danseurs et chorégraphes marocains autour du «Statut du danseur au Maroc, quelle action entreprendre pour faire de la danse contemporaine au Maroc un art à part entière».

Vous dites souvent que le corps a une conscience et une mémoire. C’est le fruit d’une ou de plusieurs cultures. Et c’est cela qui fait la richesse des danseurs.
Tout à fait vrai. Je danse et chorégraphie la mémoire de mon corps, sa culture et toutes les cultures que j’ai eu la chance de connaître. Notre corps est structuré par l’éducation, la culture, les tabous… La danse affranchit le corps de tous les interdits, épanouit la personne et libère le mouvement.
Danser, c’est marcher vers un nouveau monde, aller au-delà des limites du corps, se remettre constamment en question. La mémoire du corps s’inscrit aussi bien dans le passé, le présent tout en s’acheminant vers la quête d’un futur.

Comment la danse rééduque-t-elle le corps ?
Un corps qu’on a maltraité pendant l’enfance par exemple, ne passe pas inaperçu. Un corps élevé dans la pudeur exagérée, se reflète à travers le mouvement… Un corps de danseur, c’est un corps qui apprend à dire non à toute sorte d’oppression et d’injustice. Un corps de danseur se travaille dans la verticalité.
Interrogez les personnes ayant suivi les ateliers programmés pour le festival, et ils vous confirmeront la métamorphose que leur corps a subi. On les a aidés à découvrir les points forts de leurs corps, leur rapport au temps et à l’espace. Ils ont appris à être autonomes et à respecter leurs corps.


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