Culture

Un Tartuffe de Hay Mohammadi

Aujourd’hui le Maroc : D’où vous est venue l’idée d’adapter «Tartuffe» de Molière ?
Mohamed Zouhir : Elle est vieille, de deux ans et s’inscrit parfaitement dans la continuité de la première pièce que j’ai présentée au public : «Ha Bnadem» de Brecht. Je vais vous surprendre, mais après «Ha Bnadem», il était très naturel que je monte un Tartuffe. Le personnage principal, dans la pièce de Brecht, est simple d’esprit, inoffensif. On le transforme en tueur par le biais d’un discours. Il est endoctriné grâce à une idéologie ! C’est à peu près de la même façon que Tartuffe séduit, enrôle et anéantit tout pouvoir de résistance ou de pensée critique chez Orgon, le père de famille dans la pièce de Molière. Dans la pièce de Brecht, le discours qui endoctrine est au service d’une milice militaire ; dans celui de Tartuffe, il se sert de la religion.

Les metteurs en scènes de «Tartuffe» ont généralement été confrontés à l’ambiguïté du personnage qui joue le rôle-titre. Votre Tartouff fait seulement dans les tartufferies ou cache-t-il autre chose ?
Dans ma mise en scène, j’ai fait le choix de montrer un Tartuffe existentiel. Je m’explique : à partir du moment où Tartuffe tente de séduire la femme d’Orgon, il fait tomber le masque. Tartouff est partout faux sauf au moment où l’humain surgit en lui, mettant en péril toutes les manœuvres de dissimulation qu’il avait mis du temps et de l’énergie à imposer. Tartouff devient un homme quand il obéit à ses instincts, aux impératifs du corps. Il est trahi dans ses tartufferies, mais humanisé en même temps. D’où, effectivement, la difficulté de jouer un personnage beaucoup plus complexe qu’on ne le croit.

Vous présentez un Tartuffe marocain. Est-ce qu’il a été facile d’adapter la pièce de Molière ?
Toute adaptation est par définition difficile. Dans  «Le tartuffe en arabe», j’ai fait le choix d’une langue accessible au spectateur. Cette langue est la même que celle parlée tous les jours. Et pour être franc, il s’agit de la langue que l’on utilise dans le quartier où j’ai été élevé : Hay Mohammadi à Casablanca.  C’est une darija géniale, parce qu’elle est pure, directe, même lorsqu’elle comprend certains codes. La langue de l’adaptation met à la disposition des comédiens un outil qui leur permet de communiquer des émotions avec des mots qui coulent de source. La vision du théâtre que je défends dans « Le Tartuffe en arabe », se fonde sur une équation entre le divertissement ou la distraction et l’apprentissage. En d’autres termes, je me défends du rire pour le rire et d’un théâtre donneur de leçons. Ce que je cherche, c’est un juste dosage entre un théâtre qui divertit et un théâtre qui apporte quelques éléments de compréhension de la vie. Et c’est pour cela que j’ai besoin d’une langue accessible pour tous.

Vous avez fait le choix d’une langue accessible, qu’en est-il de la mise en scène ?
Il s’agit d’un théâtre total où le mouvement, le travail du corps sont aussi importants que les dialogues. Ma mise en scène est moderne, en ceci qu’elle conjugue plusieurs modes d’expression. Le chant, la danse et les arts plastiques sont très présents. À cet égard, les tableaux de Saladi font partie du décor de la pièce. Toutefois, au sens strict de l’expression, ma mise en scène est brechtienne, dans la mesure où «l’effet de distanciation», qui rompt avec la convention traditionnelle fondant le théâtre, est constamment observé.
L’illusion de réalité n’est pas de mise, car je ne cherche pas à voiler le jeu de mes comédiens.

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