Culture

Vitalité de la sculpture au Maroc

© D.R

À l’entrée de la galerie, une sculpture BC BG. Une sculpture qui dit son genre en grosses lettres dorées. Le genre de sculpture qui ne tient pas debout sans piédestal. Elle a été conçue pour les salons des grandes villas, pour plaire aux maîtresses de maisons qui la font polir chaque jour pour en mettre plein les yeux à leurs invités. Elle tient son éclat de la brillance de la matière et non pas des formes ou de la conception. Abdelhaq Sijelmassi accueille somptueusement le visiteur avec des figures en bronze et en bois impeccablement lissées. Sa sculpture rappelle à la fois Auguste Rodin et Henry Moore. Elle est pompeuse, presque anachronique. Le visiteur veut éternuer ou rebrousser chemin, quand son regard est accroché par les panneaux verticaux de Mohamed Bennani. C’est mieux ! Ces oeuvres rappellent des totems sur lesquels un démiurge s’est acharné pour inscrire des chemins vers l’inconnu. Le visiteur continue son chemin et arrive à la plage de Mohamed Melehi. Il a dressé les formes onduleuses qui ont fait la réputation de sa peinture. L’une des sculptures est en métal et le déferlement de ses vagues est joliment coloré. Elle introduit une note gaie dans le parcours du spectateur. Ce dernier avance encore et atteint un carrefour où sont dressées plusieurs oeuvres. Il ne peut pas perdre le Nord. L’heure sidérale, l’heure locale moyenne, la marche du soleil dans le ciel, la date approximative et le mois, l’heure du lever et du coucher du soleil, la durée du jour, celle de la nuit, l’étendue du crépuscule… Tout est mentionné dans les astrolabes de Hassan Slaoui. Ne lui suffisent-ils pas pour sortir du labyrinthe ? Il n’a qu’à suivre le fil tendu par une Ariane habillée tout en blanc. Les oeuvres de Safaa Erruas sont un mélange d’épingles et de bouts de lames de rasoirs enveloppés par des fils blancs. Les assemblages de lames et d’épingles sont tissés ou enfoncés dans de grandes toiles. Les oeuvres d’Erruas sont parmi les plus intéressantes de l’exposition. Elles poussent à réfléchir sur les frontières entre l’installation et la sculpture. Le visiteur ne pourra pas démêler longtemps l’écheveau des fils de Safaa Erruas. Son mari, l’artiste Hassan Echair, veille au grain. Il est juste à côté, et le délicat équilibre de ses oeuvres ne supporterait pas le moindre dérèglement des sens. Il construit de curieuses mécaniques qui ne tiennent en équilibre que pour en souligner la vulnérabilité. Le visiteur continue son chemin et rencontre Abdelkrim Ouazzani, tel qu’en lui-même l’éternité ne changera jamais la féerie – vraie ou fausse ? – de ses oeuvres. Les deux scénographes de l’expo, Abderrahim Sijelmassi et Rachid Tazi, qui ont, au demeurant, fait un travail remarquable, ont augmenté l’éclat des couleurs vives des oeuvres de l’artiste en enrobant dans une moquette rouge le stand où elles sont exposées. Le visiteur avance encore et trouve le trésor : les oeuvres magnifiques de Khalil El Ghrib. Dans un cube tapissé de l’intérieur de miroirs, un amas fangeux et jaunâtre se décompose lentement, en même temps que les fils de laine qui y grouillent. Les scénographes de l’expo ont gâté Khalil El Ghrib en mettant ses autres oeuvres sous verre. Elles sont présentées de la même façon que les petites pièces, âgées de plus de 2000 ans, dans les musées. Certains peuvent déplorer que les oeuvres de Khalil soient montrées comme de la bijouterie, d’autres louent en revanche cette façon de les muséifier, parce qu’elle entretient une juste résonance avec les oeuvres qui soulignent avec acuité les ravages du temps. L’effritement et la décomposition sont la marque patente du faire de cet artiste. Dans ses oeuvres, la vie et la mort s’affrontent pour un devenir qui ne cesse de se défaire. Une oeuvre confronte de façon frontale le spectateur à la vie qui loge dans les corps décomposés. Quel trouble se saisit du visiteur lorsqu’il voit des vers pulluler dans un morceau de pain qui se décompose ! Le courage qu’il a mis pour regarder cette oeuvre est récompensé par l’aspect tonique d’un sculpteur nommé Bouba. Il fait feu de tout bois, récupère de la tôle et des bouts de ferraille pour leur donner une apparence nouvelle. Bouba est l’une des découvertes de la manifestation. Le visiteur ne peut pas en revanche apprécier les oeuvres présentées pêle-mêle dans la grande pièce de la galerie. Les scénographes ont apparemment cherché à assassiner leurs auteurs. Le spectateur est libre de juger si nombre de ces artistes méritent le meurtre ou non. En dépit de la cohorte, il ne peut rester toutefois insensible aux pièces diaphanes et délicates de Dounia Oualit. Au terme du parcours de cette exposition, il apparaît que les formes participant de la sculpture au Maroc dispensent bien plus de surprises que la peinture. La manifestation mérite assurément le détour. Des artistes importants sont toutefois absents pour qu’elle donne une idée exhaustive de la sculpture au Maroc. Dommage qu’un artiste, qui milite depuis des années pour le développement de la sculpture n’y figure pas : Ikram Kabbaj.

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