Editorial

Courage fuyons !

© D.R

Une justice qui n’est pas juste fait fuir les justiciables. Ghali Sebti est parti. Ahmed Senoussi et Moulay Zine Zahidi également. Le point commun entre ces trois personnes, c’est qu’ils n’ont strictement aucune confiance dans la justice qui peut être rendue par la Cour spéciale de justice.
Le caractère exceptionnel de ses jugements et de sa procédure n’offre aucune garantie substantielle de défense. Et le fait que les procédures concernant cette Cour soient diligentées par le ministre de la Justice en personne, un membre du gouvernement, de l’exécutif donc, font passer, aux yeux de l’opinion publique, ses procès pour des procès politiques, pour ne pas dire plus.
Dans l’affaire des minotiers, Ghali Sebti a été condamné en 2000 à 15 ans de prison par contumace. Il a préféré ne pas assister à son procès. Les responsabilités, telles qu’elles ont été définies par la Cour, se sont limitées à un cercle restreint. Ni le ministre de tutelle de l’époque des faits, ni le directeur de l’ONICL n’ont été inquiétés. Seuls les membres de l’association des minotiers, structure de droit privé et de fait ses membres ne sont pas passibles de cette juridiction, ont été lourdement condamnés. Un jugement à mi-chemin de la vérité avec une volonté manifeste d’exclure de la redoutable sagacité de cette Cour des personnalités politiques ou assimilées.
Dans l’affaire du CIH, en 2002, c’est le même scénario qui se répète. Moulay Zine Zahidi sait que les donneurs d’ordre, souvent des politiques de haut niveau, et que les bénéficiaires des crédits, des clients protégés par ces mêmes politiques de haut niveau, ne seront pas inquiétés. Il choisit de tout déballer dans la presse et de prendre de la distance avec cette Cour et le pays. Les moyens de défense n’étant pas réunis, il s’en remet à Dieu et à la fuite.
Ahmed Senoussi, lui, est dans une autre situation. Ce bénéficiaire des crédits assistés du CIH pour l’affaire Marina Kabila a dû aller voir ailleurs en attendant des jours meilleurs. Lui, qui a l’habitude, selon Moulay Zine Zahidi, de régler ses problèmes en s’appuyant sur des réseaux institutionnels solides, a préféré, en l’absence de ceux-ci, prendre du champ. Il ne semble pas avoir très confiance dans le Maroc nouveau. Un averti en vaut deux, c’est le cas de le dire.
Finalement, qui sont ceux qui sont restés pour subir stoïquement, souvent à l’hôpital, les foudres de notre juridiction nationale d’exception ? Ceux, certainement, qui n’avaient pas les moyens de fuir parce qu’une fuite, ça se prépare sérieusement. Et ceux, probablement, qui croient, naïvement encore, en la justice et dans l’aide de Dieu. Ces deux catégories de prévenus vont pouvoir, désormais, vérifier tout cela devant une institution qui ne connaît ni clémence, ni repentir, ni pardon. La présomption d’innocence, par ailleurs, ne fait pas partie de l’univers philosophique de cette Cour. «Si vous êtes là, c’est que vous êtes coupables. Si les autres ne sont pas, encore là, c’est qu’ils sont, encore, innocents». C’est tout, telle est la maxime spéciale de la Cour spéciale de justice. On comprend mieux maintenant pourquoi des banquiers honnêtes et travailleurs – ça existe – dans notre pays se considèrent tous en liberté provisoire. Qu’à Dieu ne plaise !

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