Editorial

Le crépuscule de l’espoir

Les porteurs de lettres royales pour l’emploi, ils sont 47, menacent d’un suicide collectif. C’est  la troisième  fois qu’ils menacent de mettre fin à leurs jours – cette fois-ci le 15 juin, ça tombe un mercredi. Je savais que le modèle social marocain était très raffiné mais j’ignorais que les modalités des négociations collectives par branche étaient si poussées chez-nous.
Le secteur moderne et certainement mis à niveau depuis longtemps des «porteurs de lettres royales pour l’emploi», vient de nous révéler deux vérités sur lesquelles on va s’arrêter deux minutes.
Un diplômé-chômeur a moins de légitimité qu’un chômeur, tout court, porteur de lettre royale pour l’emploi. Au niveau constitutionnel, cela pose le problème de l’égalité des Marocains devant la loi du chômage. Et en général, face à l’adversité. On peut, à défaut de redistribuer des richesses qui n’existent pas, viser rapidement sur ce point une forme d’égalité dont on a assurément les moyens. L’État de droit marocain, en construction, n’a pas fini de prendre acte de nos spécificités. Et si le type est un diplômé-chômeur, porteur de lettre et sahraoui manipulé par les séparatistes ? Qu’est-ce qu’on fait ? On demande une allocation chômage à Bouteflika ?
Il vaut mieux être un chômeur mort qu’un chômeur vivant. Si j’ai bien compris, c’est cela le sens du chantage des suicidaires potentiels. Peut-être, mais la différence, me semble-t-il, c’est que l’un sera mort, il ne pourra plus regretter son geste, et l’autre sera vivant, et dans ce cas, il pourra toujours se prévaloir d’un acte courageux qu’il n’a pas commis. Je sais, l’argument est spécieux mais il se conçoit. Cela donnera en jargon associatif, l’«Association des chômeurs porteurs de lettres royales qui ont failli se suicider.»
Je passe sur le choix du mercredi pour le crépuscule programmé, car je ne comprends pas que l’on puisse choisir un jour aussi banal pour un événement si symbolique. Le mercredi ne pèse rien devant un bon vendredi où les portes du ciel sont ouvertes. Ou un samedi où en général on peut réunir du monde pour une fête sympa. Ou même un dimanche, jour du seigneur, plus propice aux exploits, notamment, sportifs. 
Maintenant, moi j’ai une solution. Compte tenu de l’âge avancé de ces demandeurs, de l’ancienneté de leurs lettres royales -la date valant embauche- et de leurs sentiments intimes -ils se considèrent comme des fonctionnaires- il faut les faire bénéficier du départ volontaire de la fonction publique. Ils ne sont pas plus fantômes que d’autres. Et il n’y a pas de raison de créer une inégalité de traitement entre un type intégré qui ne fout rien et un type qui, de toutes les façons, a envie, une fois intégré, de ne rien foutre.

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