Editorial

Le parti de la dinde

La loi sur les partis politiques est sans conteste une étape majeure dans la modernisation de la vie publique marocaine, une mise aux normes de l’action politique et un pas décisif dans la consolidation de la démocratie. Tous les protagonistes de la chose politique admettent cela.
Mais du projet de loi à la réalité sur le terrain il y a encore du chemin à faire. Disons-le tout de suite, le projet de loi est bon. Les cadres de l’Intérieur ont fait là un excellent travail pour lequel ils doivent être félicités. Une base de travail sérieuse, bien documentée et constituant un bon cadre pour les débats à venir.
La seule crainte que l’opinion publique peut avoir c’est – on ne demande pas à la dinde de faire le menu de Noël – que les partis politiques marocains, après amendements, négociation, et de multiples transactions, vident ce texte de sa substance ou le mettent dans une impasse institutionnelle en invoquant en dernier ressort un arbitrage royal direct. En gros, comme pour la Moudawana, on file la patate chaude au palais.
Toutefois les premières réactions de certains leaders politiques ne sont pas, et de loin, impertinentes. Si on ne retient que les déclarations à titre personnel à la télévision de Abbas El Fassi, le patron de l’Istiqlal, on peut imaginer que le texte peut être utilement enrichi.
Les congressistes doivent être porteurs de mandats collectifs, contrôle financier exclusif de la Cour de comptes, privilégier exclusivement les procédures judiciaires pour régler les dépassements, etc. Tout cela est fort juste et bien senti.
Mais le problème majeur qui n’est pas abordé par ce projet de loi est celui de la démocratie. Elle n’est ni formulée ni théorisée ni mise en perspective. Cela veut dire qu’à part les interdits explicites du projet : usage de l’Islam, monarchie, intégrité territoriale… une formation politique d’idéologie, pour l’exemple, fasciste au sens large, peut s’acclimater avec ce texte. C’est inquiétant.
L’enjeu majeur, c’est l’attachement à la démocratie et à ses valeurs et non pas uniquement la création d’un cadre juridique, aussi parfait soit-il, pour encadrer l’action partisane. Faut-il rappeler qu’un monstre comme Hitler a été porté au pouvoir par une démocratie qui n’a jamais défini son propre objet ? Une vérité historique amère.
Chez nous, les acquis démocratiques et la démocratie elle-même sont tellement fragiles et juvéniles que l’on devra sérieusement se soucier de leur protection contre tous les arracheurs de dents empressés, les imposteurs parentés et les quidams exaltés. Or ceux-là existent et prospèrent dans notre pays et ils ont, souvent, pignon sur rue. Il va falloir leur barrer la route.

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