La meilleure manière de faire évoluer la justice, chez nous, est-elle de stigmatiser collectivement les juges ? Il est bien évident que la réponse est : non. Au-delà du fait que la méthode est foncièrement injuste et moralement condamnable, elle est à réprouver, par principe, car elle verse, visqueusement, dans un populisme dangereux et réducteur – ce qui relève de l’essence même du populisme. Mais quand la cabale sordide est montée non pas pour aider la justice à s’améliorer ou pour promouvoir la vertu, mais pour régler des petits comptes politiques à la veille des élections, cela devient carrément de l’irresponsabilité. Aucun homme d’Etat digne de ce nom, exerçant de hautes responsabilités publiques, ne pourrait décemment se hasarder dans ces zones grises où l’on fait peu de cas de l’honneur et de la respectabilité des gens. Ces derniers temps, certains se sont affranchis de cette ligne de conduite. Ils devraient revenir vite à la raison car ils savent, même s’ils feignent de l’ignorer, qu’affaiblir une institution comme la justice, c’est prendre le risque de les affaiblir toutes. Le chantier de la réforme de la justice et de la recherche des moyens adaptés pour accroître son indépendance est tellement vital pour l’avenir de ce pays que l’on ne peut le traiter par la légèreté, la démagogie ou les petits calculs politiciens.